Bénin : inquiétudes au port de Cotonou

Les réformes économiques lancées depuis un an par le président Patrice Talon suscitent de vives inquiétudes au Bénin, où ses détracteurs dénoncent des "privatisations sauvages" dans des secteurs-clés comme le port de Cotonou et la filière coton. Élu en mars 2016, l'ancien homme d'affaires de 59 ans longtemps surnommé "le roi du coton" a promis de relancer l'économie béninoise, essentiellement basée sur l'agriculture et le commerce de transit vers les voisins comme le Niger et le Nigeria. Mais ses réformes libérales font grincer des dents dans ce petit pays d'Afrique de l'Ouest et plusieurs mouvements sociaux sont prévus cette semaine.
Dernière polémique en date : la décision du gouvernement de confier la gestion du port de Cotonou, poumon économique du pays, à un mandataire privé. Cette mesure "vise à positionner le port de Cotonou comme un modèle de référence dans la sous-région, ce qui implique un travail de modernisation, gage d’une meilleure performance" a expliqué la présidence béninoise.
Le port de Cotonou, qui rapporte 80 % des recettes fiscales du Bénin, a connu ces dernières années de nombreux aménagements visant à améliorer sa productivité. Mais il peine à rivaliser avec les ports voisins de Lagos, Abidjan ou Douala qui eux aussi se modernisent, et a vu son trafic chuter 10,5 millions de tonnes de marchandises en 2014 à 8,7 millions en 2016.
Patrice Talon "incarne une nouvelle génération de chefs d'États africains qui partagent une conception économique libérale marchande", analyse Benjamin Steck, spécialiste des ports ouest-africains et professeur émérite à l'université du Havre, en France. Une génération qui a bien compris que les multinationales comme le groupe français Bolloré, omniprésent dans les ports francophones, "ont les capitaux, les réseaux mondialisés et les compétences" pour rendre leurs grandes infrastructures plus compétitives.
Cela réclame des investissements colossaux, alors que bien souvent "les États n'ont pas les moyens", poursuit Benjamin Steck. La présidence assure qu'"il ne s'agit ni d’une privatisation ni d’une concession", et que le mandataire restera soumis à un "cahier des charges" sous la tutelle du ministère des Transports.

"Une grève de deux jours est prévue dès jeudi 22 juin"

Mais les syndicats des entreprises publiques travaillant sur la plateforme portuaire disent craindre pour l'emploi et sont vent debout contre cette "privatisation déguisée". Une grève de deux jours est prévue dès jeudi 22 juin, alors qu'un appel public à candidature a été lancé le 19 mai pour le recrutement du mandataire. Interrogée sur les candidats potentiels, la présidence a répondu : "Nous sommes encore au début du processus, et nous n’avons pas plus d'information".
Plus largement, députés et presse d'opposition dénoncent depuis des mois le risque de conflit d'intérêt avec les anciennes activités du chef de l'État, dont le magazine "Forbes Afrique" avait estimé la fortune à 400 millions de dollars en 2015. Patrice Talon a ainsi pris de nombreuses mesures visant l'industrie du coton, secteur dans lequel il a fait fortune.
Qu'il s'agisse de la délégation de la gestion de la filière au secteur privé ou de la liquidation d'entreprises publiques (Sonatra, Onasa), l'objectif assumé est le "désengagement de l'État du secteur productif", selon le conseil des ministres du 30 novembre dernier.
Une coalition de partis et de mouvements de la société civile, le Front pour le sursaut patriotique (FSP), a appelé à manifester jeudi 22 juin à Cotonou contre les "privatisation sauvages" et les "licenciements arbitraires". Il accuse le pouvoir de vouloir "accaparer le patrimoine public à son profit" à travers des attribution de "marchés de gré à gré".
Le FSP cite également le cas du Programme de vérification des importations (PVI), qui permet de contrôler la valeur des marchandises entrant au Bénin via le port de Cotonou.  Attribué en 2011 à la société Bénin Control - dont Patrice Talon dirigeait alors le conseil d'administration - le contrat des PVI a été résilié par la présidence de Thomas Boni Yayi, son ancien allié avant de devenir son ennemi n° 1.  Finalement, le contrat a été rétabli... peu après l'élection présidentielle de 2016. Le président s'est défendu de tout favoritisme dans de rares interviews à la presse, affirmant s'être "retiré" de toutes les sociétés dans lesquelles il avait eu des participations.

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