En rachetant Transaero, Aeroflot grossit mais sans pour autant se renforcer

Joli coup ou cadeau empoisonné ? La première compagnie aérienne russe, Aeroflot, va sortir grossie mais pas forcément renforcée du rachat à prix modique de sa rivale en difficultés Transaero, dicté par les pouvoirs publics pour éviter une faillite.
Investisseurs et analystes n'ont pas caché leur scepticisme lorsque la nouvelle a fuité mardi 1er septembre du gouvernement russe. Ce dernier a demandé à Aeroflot, l'ancien monopole aérien soviétique encore contrôlé à 51 % par l'État, de lancer une offre sur 75 % du capital de la deuxième compagnie russe, Transaero. À en croire l'agence Interfax, la transaction, qui doit être rapidement officialisée lors d'un conseil d'administration, ne devrait représenter qu'un rouble (1,4 centime d'euro...) tant la cible est aux abois, étranglée par ses dettes et la crise économique et monétaire en Russie.
Elle va permettre à Aeroflot de renforcer sa domination dans le ciel russe avec une part de marché dépassant 50 % du trafic aérien, contre 37 % actuellement, et une flotte de plus de 300 appareils, soit plus que British Airways ou Alitalia. L'autorité de la concurrence a déjà fait savoir qu'elle n'aurait pas d'objection majeure. Malgré cette promesse de grandeur, la compagnie a perdu presque 10 % de sa valeur en Bourse mardi 1er et mercredi 2 septembre, ne suscitant pas d'enthousiasme concernant ce rachat qu'elle n'a confirmé que du bout des lèvres. "Je pense que les dirigeants d'Aeroflot ne sautent pas de joie, car ils ont devant eux un travail sérieux", a reconnu le directeur de l'Autorité de la concurrence, Igor Artemiev. Mais "on ne pouvait pas imaginer consacrer deux à trois ans à une procédure de faillite", a-t-il expliqué.
Créée en 1991, Transaero est étranglée par ses lourdes dettes depuis que le rouble s'est effondré fin 2014, plombé par la crise ukrainienne et la chute des cours du pétrole. La faiblesse de la monnaie alourdit les coûts liés au dollar, de la location en crédit-bail des avions à la maintenance technique en passant par le remboursement des crédits. Les prix des billets pour les liaisons internationales ont flambé pour les Russes, confrontés à une chute de leur pouvoir d'achat. Or la compagnie est particulièrement présente sur les destinations de vacances, de l'Asie aux Caraïbes, et elle a dû brader ses billets pour remplir ses avions.

Hausse de prix ?

Les pouvoirs publics, après avoir accordé une aide fin 2014, ont donc décidé de mettre à contribution la compagnie nationale, plutôt que de remettre la main au porte-monnaie sans garantie de succès. Transaero a reconnu que la transaction était dans "l'intérêt des passagers, des employés et des partenaires de la compagnie", mais a tenu à préciser qu'elle n'en était pas à l'initiative et qu'elle avait présenté d'autres propositions aux autorités.
"Le gouvernement a décidé de sauver Transaero de la faillite en forçant Aeroflot à la racheter", ont résumé les analystes de la banque russe Gazprombank. Pour ces derniers, il s'agit d'"une mauvaise nouvelle à court terme" pour la compagnie publique : Transaero souffre d'une "dette gigantesque, son modèle d'entreprise est inefficace dans le contexte économique actuel" et l'intégration "s'annonce coûteuse et longue". Aeroflot, elle-même dans le rouge actuellement, va voir son endettement s'envoler. Après avoir considérablement modernisé sa flotte et son image ces dernières années, elle va aussi devoir absorber une centaine d'appareils vieillissants, surtout des Boeing long-courrier. "Je suis certain que personne à Aeroflot n'est content de cette acquisition", a commenté l'opposant Alexeï Navalny, ancien administrateur de la compagnie publique. "Aeroflot a une flotte relativement jeune, contrairement à Transaero. Aeroflot, bien que massive et publique, fonctionnait davantage selon les règles du marché que Transaero". "On crée un super-monopole et tout le monde va en souffrir, en premier lieu nous autres consommateurs", a-t-il dénoncé. Pour les analystes en effet, le principal avantage à long terme de ce rachat pour Aeroflot réside dans l'affaiblissement de la concurrence de nature à permettre une hausse des prix. Mais cette possibilité, ont tempéré les analystes de la banque VTB Capital, "est limitée par la baisse du rouble et la chute du pouvoir d'achat".

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