L'A380, géant des airs, boudé par les compagnies

Aucune commande cette année et même trois annulations : six ans après sa commercialisation, l'A380 est boudé par les compagnies aériennes au point que certains experts doutent de sa viabilité.
Les ventes du plus gros avion au monde, l'A380, avaient déjà souffert en 2012 de l'apparition de micro-fissures sur ses ailes. 9 exemplaires seulement avaient été commandés, contre 30 prévus. Officiellement, Airbus maintient son objectif de vente de 25 Super Jumbos en 2013. Et la société Doric, spécialiste du financement d'achats d'avions pour le compte des compagnies, pourrait largement y contribuer : son PDG, Mark Lapidus, qui avait signé en juin un protocole d'accord avec l'avionneur européen pour acquérir 20 appareils, prévoit "de finaliser sa commande d'ici la fin de l'année". "Des deux côtés, nous travaillons dur pour que cela puisse se faire dès que possible", a-t-il assuré jeudi 7 novembre. "Airbus doit absolument convaincre rapidement des clients existants d'avancer leur livraison sous peine de ne pas pouvoir atteindre son objectif d'un équilibre financier du programme en 2015", estime néanmoins Yan Derocles, analyste du secteur chez Oddo Securities. Même s'il a encore 144 commandes à satisfaire sur 259 comptabilisés à fin octobre, le constructeur cherche depuis un an des clients pour plusieurs exemplaires qui sortiront de la chaîne d'assemblage en 2015. Le spécialiste pointe en outre la faiblesse du carnet de commandes "avec seulement 18 compagnies clientes dont l'une, Emirates, détient 36 % de parts de marché sur les appareils restant à livrer". Richard Aboulafia, du cabinet d'études américain Teal Group, est particulièrement sévère à l'égard du Super Jumbo : "L'A380 n'a jamais été une bonne idée. En fait, ce fut une très mauvaise idée, une des pires blessures qu'un constructeur se soit infligées dans l'histoire de l'industrie aéronautique". Selon lui, avec ses quatre moteurs comme son rival le Boeing 747-8, l'avion ne répond pas aux exigences du marché qui attend une consommation de kérosène réduite et un large rayon d'action, que des bi-réacteurs offrent désormais.
Les très gros porteurs subissent ainsi la concurrence des mini-jumbos tel que l'A350XWB, qui doit entrer en service fin 2014 et le 777-X que Boeing doit lancer à Dubaï pour le livrer autour de 2020. Pourtant, Airbus martèle que les perspectives à long terme de l'A380, facturé 403,9 millions de dollars pièce au prix catalogue, ne sont pas compromises puisque le nombre de passagers doit doubler dans les vingt prochaines années, selon toutes les prévisions.

Incertitude sur le marché

Son PDG, Fabrice Brégier, affirmait la semaine dernière dans le quotidien "Les Échos" que l'A380 est "un avion parfaitement mature avec un niveau de recettes par passager supérieur à un avion classique et qui permet aux compagnies aériennes de se développer sans créneau aéroportuaire supplémentaire". En effet, explique Jean-Louis Dropsy, expert aéronautique au cabinet Kurt Salmon, "l'une des difficultés est d'augmenter les créneaux de vols dans le monde sans compromettre la sécurité". "Si on n'arrive pas à augmenter le nombre de créneaux de vols, cela signifie que les avions devront transporter plus de passagers". Sur les vingt prochaines années, le marché des très gros porteurs devrait représenter 1.334 appareils, estime Airbus, quand Boeing table sur 760. Mark Lapidus, lui, est convaincu que les compagnies possédant un A380 auront "un avantage compétitif", car le géant des airs permet des aménagements très haut de gamme pour les clients premium et il est particulièrement apprécié par les passagers.
"Nous savons que les clients adorent voler sur l'A380. Y a-t-il un marché suffisamment important pour que l'A380 puisse être rentable ? Nous ne le savons pas pour le moment", estime pourtant Tom Chruszcz, qui suit l'industrie aéronautique et de défense européenne pour l'agence de notation financière Fitch. Car, explique-t-il, "pour un nouveau programme, il faut entre 250 et 300 commandes. Or l'A380 a connu des délais et des surcoûts importants, il faut donc y ajouter un nombre de commandes significatif", pour rentabiliser le programme. "Aujourd'hui, une compagnie qui n'a pas d'A380 doit avoir une vision très optimiste sur l'évolution du trafic pour faire le pari de cet avion", souligne de son côté Yan Derocles. Airbus a toutefois une carte à jouer en offrant par exemple une version modernisée de l'appareil. "L'A380 a été commercialisé en 2007 avec des moteurs de 2000. Il serait logique de remotoriser l'appareil comme nous l'avons fait avec l'A320", dit-on chez l'avionneur. Dans l'immédiat, il pourrait réduire la production de 30 à 25 par an, a prévenu Fabrice Brégier.

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