L'intervention en Antarctique rappelle les ambitions de Pékin

L'assistance apportée par un brise-glace chinois à un navire russe piégé par la banquise dans l'Antarctique illustre les ambitions polaires de Pékin, désireux de renforcer ses positions aux deux extrémités du globe.
Le "Xue Long" ("Dragon des neiges"), qui a réalisé la semaine dernière l'évacuation des 52 passagers de l'"Akademik Chokalskiï", était dans la région pour une mission de 155 jours visant à construire la quatrième base de recherches chinoise sur le continent blanc. Pour Donald Rothwell, professeur de droit international à l'Australian National University, l'intervention du "Xue Long" suggère que la Chine "est en train de consolider sa présence et de gagner en crédibilité dans l'Antarctique".
Mais comme dans sa conquête de l'espace, Pékin mène dans les pôles une stratégie de long terme, conscient que d'éventuels avantages territoriaux ou une exploitation des ressources naturelles n'interviendront pas avant des décennies voire un demi-siècle. "Pour le moment, les seules ressources qu'on peut véritablement explorer sont les ressources halieutiques de l'océan Austral", a indiqué Donald Rothwell. Alors que toute activité minière a été bannie jusqu'à au moins 2048 par le Traité sur l'Antarctique, "certains notent que les progrès de la Chine la placent en très bonne position si la situation venait à évoluer", a-t-il ajouté. Le Traité sur l'Antarctique, signé en 1959 et auquel la Chine a adhéré en 1983, fait du continent un territoire réservé aux activités scientifiques et pacifiques.

Entrée tardive dans la course

Si elle y a pris pied tardivement, la deuxième économie mondiale a, en trois décennies, musclé sa présence dans l'Antarctique. Pékin y a lancé trente expéditions et établi trois bases de recherches - dont l'une à plus de 4.000 mètres d'altitude, sur l'un des plus hauts pics glacés du continent. Outre le quatrième site dont la construction est prévue cette année, l'expédition en cours du "Xue Long" doit permettre de faire une reconnaissance pour établir une cinquième base. Un nouveau brise-glace plus puissant, capable de briser une épaisseur de 1,5 mètre de banquise, devrait être opérationnel d'ici 2015.
Pékin consacre désormais 55 millions de dollars par an à des programmes d'exploration du continent blanc, selon Anne-Marie Brady, professeur de l'université néo-zélandaise de Canterbury - contre seulement 20 millions de dollars il y a une décennie. Une progression fulgurante, même si ce montant reste très en deçà des 300 millions de dollars dépensés chaque année par les États-Unis. Et la Chine a encore du chemin pour rattraper les autres pays présents sur le continent, où l'Argentine possède treize bases, la Russie douze et les États-Unis six.
Si le Traité sur l'Antarctique fait taire provisoirement toute nouvelle revendication territoriale des pays signataires, les ambitions chinoises ne sont pas sans susciter quelques inquiétudes. "La Chine, un nouveau-venu, se propose d'installer sa troisième base située dans le territoire australien antarctique, alors que nous n'avons aucune présence dans le secteur oriental, négligé", s'est alarmé l'Institut australien de politique stratégique. "Nous risquons de nous trouver distancés", a-t-il averti dans un rapport en octobre. L'Australie revendique 42 % du continent antarctique, où elle a été le premier pays à installer une base permanente en 1954.
"Nous espérons que la communauté internationale travaillera de concert pour préserver la paix et la stabilité de l'Antarctique", a simplement assuré mardi 7 janvier Mme Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. La Chine soutient "l'usage pacifique des ressources de l'Antarctique au bénéfice du développement durable de l'humanité tout entière", a-t-elle ajouté, refusant de répondre directement à toute question sur de possibles revendications territoriales de Pékin.
En novembre, des négociations internationales sur la création de sanctuaires marins en Antarctique ont à nouveau échoué en raison de l'opposition de la Chine et de la Russie. De l'autre côté du globe, Pékin a par ailleurs obtenu en mai 2013 le statut d'observateur au Conseil de l'Arctique, qui réunit les pays ayant des intérêts dans la région. Si les ressources de l'Arctique, riche en hydrocarbures, exacerbent les convoitises, Pékin mise également sur le réchauffement climatique et la fonte des glaces pour se frayer une nouvelle route maritime stratégique au Nord. Celle-ci raccourcirait considérablement tout voyage vers l'Europe, principal débouché des exportations du géant asiatique. Si la première traversée de l'Arctique par un navire de fret chinois a été réalisée l'été dernier, tout développement commercial majeur prendra vraisemblablement des décennies, a toutefois tempéré Donald Rothwell. Mais "les intérêts chinois croissants en Islande peuvent être vus comme des progrès stratégiques, cette île pouvant être une plateforme logistique cruciale à l'avenir", a-t-il commenté.

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