Le cacao latino en embuscade

Berceau du cacao, l'Amérique latine est largement distancée en termes de volumes par l'Afrique de l'Ouest, mais l'augmentation mondiale de la demande, notamment asiatique, pourrait constituer un nouvel eldorado pour la région, réputée pour ses fèves de meilleure qualité.
"Nous avons de bons signes de croissance en Asie, où le marché du cacao devrait croître de 5 à 9 % au cours des quatre à cinq prochaines années", a récemment assuré Juergen Steinemann, directeur général de Barry Callebaut, un des plus gros transformateurs au monde. L'Amérique latine représentera 16 % de la production mondiale en 2013-2014, soit environ 666.000 tonnes sur 4,1 millions, après une petite baisse de régime par rapport à la campagne précédente, selon l'Organisation internationale du cacao (ICCO), basée à Londres.

Demande indienne et chinoise

Mais le même organisme souligne que la dernière campagne mondiale s'est caractérisée par un déficit d'environ 175.000 tonnes de cacao, dû en partie à une sécheresse en Afrique, pour un marché mondial du chocolat estimé à 80 milliards d'euros. Conséquence, les cours ont explosé : + 25 % en 2013, suivi d'une nouvelle hausse début 2014. En fin de semaine dernière, la tonne s'échangeait à quasiment 1.900 livres à Londres et plus de 3.000 dollars à New York.
Thomas Plugh, spécialiste en matières premières agricoles chez le conseiller britannique en investissements Capital Economics, s'attend lui "à une croissance raisonnablement forte de l'offre latino-américaine au cours des prochaines années". "Les plus grands producteurs resteront l'Afrique de l'Ouest, mais les prévisions pour l'Amérique latine sont bonnes", poursuit-il. "La demande de cacao des pays émergents progresse fortement, notamment en Chine", doublée d'un "retour ferme" des consommateurs traditionnels (l'Europe, suivie de l'Amérique du Nord), renchérit Florence Pradier, secrétaire générale du Syndicat du chocolat Alliance 7 à Paris. La demande asiatique est aussi tirée, selon le dernier rapport Cyclope sur les matières premières coordonnées par l'Université Paris-Dauphine, par "le marché indien qui enregistre la plus forte croissance au monde, de l'ordre de 20 à 25 %" par an.
L'offre mondiale de cacao est largement dominée par la Côte d'Ivoire (1,5 million de tonnes prévues en 2013-2014) et le Ghana (870.000 tonnes), mais l'Amérique latine peut tirer son épingle du jeu si la demande augmente pour des cacaos de qualité. "La production pourrait changer en fonction de l'évolution du marché" pour ces cacaos fins, confirme Moises Gomez, de l'ICCO. "Le cacao courant représente la majorité de la demande mondiale et provient principalement d'Afrique de l'Ouest. Le cacao fin, qui représente 5 % de la demande, vient lui d'Amérique latine", explique-t-il. "L'Europe est le plus gros acheteur de cacaos fins. Les Américains sont habitués à des chocolats à haute teneur en lait et en sucre, et pour cela, pas besoin de cacao d'excellente qualité. Mais quand quelqu'un veut un cacao sombre et avec de bonnes caractéristiques gustatives, il cherche un cacao latino-américain ou de Madagascar", explique-t-il.

Encourager la production

"Les conditions climatiques et les sols sont ce qui contribue le plus aux saveurs" des cacaos, poursuit Moises Gomez, qui rappelle que "des variétés de cacao fins ont été plantés en Afrique mais sans atteindre les qualités de ceux d'Amérique". Le forastero, le plus commun, mais surtout les criollo, trinitario, nacional, sans compter les hybrides : toutes les variétés s'épanouissent en Amérique latine. Et quasiment partout : Équateur et Brésil en tête, avec environ 200.000 tonnes par an chacun (et plus de 500 millions d'euros de recettes), mais également au Pérou, au Venezuela, en Colombie, en République dominicaine, en Amérique centrale et jusqu'au Mexique.
Avec 63.000 tonnes produites en 2013, le Pérou illustre à la fois ce pari sur les cacaos de qualité et la difficulté à satisfaire l'appétit des acheteurs. "Notre production ne nous permet pas de proposer une offre en termes de volume" alors le secteur mise sur "une offre différenciée, car là se trouve la compétitivité", en investissant par exemple dans la production biologique, explique Carmen Rosa Chavez, du ministère de l'Agriculture péruvien. "Le problème est que nous n'avons pas les quantités suffisantes pour satisfaire" la demande des grands chocolatiers européens, renchérit Francisco Riva, dirigeant de l'Association péruvienne des producteurs de cacao. Mais face aux prévisions d'augmentation de la demande, il est nécessaire d'agir afin d"'éviter une pénurie dans les décennies à venir", notamment "par des mesures d'encouragement, de soutien à la production, d'amélioration des rendements", avertit Florence Pradier.

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