Le combat très intéressé des compagnies pétrolières

Six grandes compagnies pétrolières et gazières européennes ont lancé un appel pour la mise en place d'un prix du carbone, mettant en avant la réduction des émissions de CO2, mais l'enjeu pour elles est surtout de pénaliser le charbon, plus que jamais concurrent direct du gaz.
Les signataires de cet appel sont Total, BG Group, BP, Eni, Royal Dutch Shell et Statoil, dont les dirigeants, invités du Congrès mondial du gaz qui se tenait jusqu'à vendredi 6 juin à Paris, ont multiplié les déclarations pour défendre le gaz face au charbon. Le directeur général de Shell, Ben van Beurden, a ainsi clairement invité les gouvernements "à décourager l'utilisation du charbon". "La capacité à remplacer le charbon par le gaz est essentielle", a affirmé Isabelle Kocher, déléguée générale de l'énergéticien français Engie (ex-GDF Suez). "Nous sommes aujourd'hui extrêmement malheureux de voir que l'énergie charbon, dont on pensait que c'était une énergie d'un autre siècle, soit revenue en force dans certains pays européens", a expliqué de son côté Jérôme Ferrier, président de l'Union internationale du gaz, quelques jours avant le Congrès.
Car le charbon entre directement en concurrence avec le gaz pour un de ses usages principaux : la production d'électricité. Or, depuis plus de deux ans, le prix du gaz est globalement trois fois plus élevé que celui du charbon en Europe, entraînant "une forte compétition" entre les deux sources d'énergie "avec des électriciens qui continuent de se reposer beaucoup plus que prévu sur le charbon", explique Nathalie Desbrosses, responsable de l'analyse des marchés de l'énergie au cabinet Enerdata.

Gaz moins compétitif

Les centrales à gaz sont moins compétitives que leurs homologues au charbon, et plusieurs ont dû fermer en Europe ces derniers mois, également pénalisées par un prix de l'électricité très bas sur les marchés de l'énergie. L'an dernier en Europe, la demande de gaz a drastiquement chuté (- 11 %), certes à cause d'un climat défavorable (qui a réduit les besoins en chauffage), mais elle était déjà relativement stable les années précédentes. Alors que les États-Unis bénéficient d'une ressource nationale abondante en gaz non conventionnels (dont le gaz de schiste), les gaziers européens doivent donc trouver des débouchés ailleurs, notamment en Asie où le charbon est encore massivement utilisé. Par ailleurs, la ressource en charbon est mieux répartie à travers le monde que celle en gaz, échappant à des considérations stratégico-diplomatiques, et nécessite moins d'investissements en infrastructures pour être exploité et transporté.
En défendant l'idée d'un prix du carbone élevé et mondial, les gaziers européens veulent ainsi, au-delà de leur engagement réel pour le climat, voir le coût du charbon réévalué vis-à-vis du gaz. Car le charbon est l'énergie fossile la plus émettrice en CO2. Selon le cabinet Enerdata, une tonne de charbon consommée émet 3,5 tonnes de CO2, contre 2,3 tonnes pour le gaz et 2,7 tonnes pour le pétrole. "Évidemment les compagnies pétrolières ne font cela que pour promouvoir le gaz, elles ne cherchent aucunement une sortie des énergies fossiles mais utilisent la faiblesse du charbon", commente Lili Fuhr, expert sur le climat de la fondation allemande Heinrich-Böll.

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