Les critiques contre des compagnies du Golfe se propagent aux États-Unis

Sous le feu des critiques depuis une dizaine d'années en Europe, les compagnies du Golfe sont désormais la cible des transporteurs américains qui les accusent de bénéficier de subventions d'État créant une concurrence déloyale. Dès 2003, l'ancien PDG d'Air France Jean-Cyril Spinetta s'inquiétait du développement de ces transporteurs qui ont, depuis, multiplié les ouvertures de lignes dans le monde au détriment des compagnies historiques. Le président d'Emirates, Tim Clark répète, lui, inlassablement depuis dix ans, que la compagnie de Dubaï ne reçoit ni subvention ni faveur gouvernementale ni accès privilégié au marché pétrolier. En 2010, à Paris, il défiait quiconque "de trouver le moindre euro de subvention au sein de sa compagnie", mettant même sa démission dans la balance.
Pourtant, American Airlines, Delta Air Lines et United Airlines sont montées au créneau jeudi 5 mars, affirmant avoir rassemblé des preuves à l'issue de deux ans d'enquête démontrant que Qatar Airways, Etihad Airways et Emirates ont reçu 42 milliards de dollars de subventions et d'aides indues de leurs gouvernements respectifs depuis 2004. Elles ont parallèlement publié un dossier de 55 pages recensant toutes ces subventions, contraires aux règles de l'Organisation mondiale du commerce dont font partie le Qatar et les Émirats arabes unis, sièges des trois compagnies visées.
"Nous sommes favorables à la concurrence entre les transporteurs internationaux et soutenons fermement les politiques de ciel ouvert qui ont apporté de grands bénéfices à l'économie mondiale et à des millions d'Américains", a assuré Richard Anderson, PDG de Delta Air Lines. "Mais les subventions apportées par les gouvernements du Qatar et des Émirats arabes unis sapent l'esprit de ces accords de ciel ouvert et nuisent à la concurrence sur le marché du transport aérien international", a-t-il estimé.
Bertrand Mouly-Aigrot, spécialiste du transport aérien au cabinet de conseils Archery Strategy Consulting, souligne qu'incontestablement, le modèle économique des compagnies du Golfe est particulièrement favorable. "Elles bénéficient de nombreux avantages : redevances faibles sur leur aéroport de base, avances et prêts publics avantageux, etc. Comme elles sont de très grosses clientes des avionneurs, elles acquièrent en outre les avions les plus modernes à des prix très attractifs", détaille-t-il. "Leurs conditions d'exploitation ne sont donc en rien comparables aux conditions économiques des compagnies européennes ou américaines", observe-t-il.
Leurs détracteurs pointent également l'opacité de leurs comptes. Seule Emirates publie ses résultats financiers. Etihad, qui détient 49 % de l'italienne Alitalia ainsi que 29 % d'Air Berlin, 40 % d'Air Seychelles, 19,9 % de Virgin Australia et 3 % d'Aer Lingus, ne publie que son chiffre d'affaires. Quant à Qatar Airways, aucun résultat n'est dévoilé.

"De très bons produits"

Si Etihad et Qatar n'ont pas réagi à ces accusations, Emirates a immédiatement souligné que ses résultats étaient audités par le cabinet d'expertise Price Waterhouse Coopers. Les trois compagnies déplorent de leur côté être victimes de mesures protectionnistes notamment en Europe, les privant de droits de trafic supplémentaires bien qu'elles contribuent à l'économie européenne. Jeudi 5 mars, Emirates dévoilait ainsi un rapport positif sur son impact économique. À titre d'exemple, "Emirates achète en France 437 millions de biens et services, dont des millésimes entiers de Dom Pérignon", a renchéri vendredi 6 mars Thierry de Bailleul, directeur général France.
Les compagnies européennes ont été les premières à pâtir du boom de leurs concurrentes du Golfe. Les américaines pourraient être les prochaines sur la liste. Aux États-Unis, où leur pénétration est plus faible qu'en Europe, les compagnies ont en effet lancé une offensive de charme : ouverture de nouvelles lignes, grandes campagnes de publicité. "Et l'on sait qu'elles offrent de très bons produits, un service de qualité quand les compagnies américaines, mises au pain sec pendant des années avec des réductions de coûts drastiques, ont tout juste amorcé la remise à niveau de leur flotte et de leur produit", commente Bertrand Mouly-Aigrot. "Les compagnies américaines redoutent probablement que l'équilibre sur le réseau vers l'Asie et vers l'Europe soit bouleversé par l'arrivée massive des transporteurs du Golfe", décrypte-t-il. "Il n'y avait pas de guerre de prix. Ce réseau est rentable pour les compagnies américaines et européennes. L'ouverture de nouvelles lignes, avec un positionnement tarifaire très attractif pour les voyageurs, pourrait dégrader des conditions de marché", conclut-il.
Aujourd'hui, Emirates dessert en direct neuf villes américaines. Elle propose via son hub de Dubaï 60 dessertes au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie Pacifique, "destinations qui ne sont pas actuellement desservies par les compagnies américaines", souligne Tim Clark. En signe d'apaisement, il prévoit de se rendre à Washington ce mois-ci pour discuter avec des responsables américains.

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