Norwegian, l'essor d'une low-cost dans un pays hors de prix

"Norvège" et "bon marché" sont des mots rarement associés. C'est pourtant en terre scandinave qu'est née la compagnie aérienne Norwegian Airline Shuttle, la troisième low-cost européenne qui fait parfois grincer des dents.
En une décennie, Norwegian a popularisé le billet d'avion abordable en Europe du Nord et, au-delà, taillé des croupières au transporteur historique SAS et est devenue une des très rares compagnies à bas coûts à s'aventurer dans le long-courrier. "Croître"... À l'heure où nombre de groupes aériens réduisent la voilure, son patron et principal actionnaire, Bjoern Kjos, a fait de ce mot une antienne. Refondée en 2002 sur les cendres d'un lilliputien du transport régional, la low-cost a vu le jour dans un secteur aérien en plein marasme après les attentats du 11 septembre. "Pour survivre, nous avons dû nous attaquer aux coûts et, pour diminuer suffisamment les coûts, il nous fallait croître", explique Bjoern Kjos, ex-pilote de chasse devenu avocat.
L'idée ? Exploiter une flotte abondante et moderne, donc moins gourmande en carburant, au départ - plutôt que vers - de grands bassins de population, ce qui évite de dépendre de correspondances pour remplir les cabines. Les appareils blancs et rouges de Norwegian, pour l'heure essentiellement des B737-800, ne sont immobilisés que 20 minutes en moyenne sur les aéroports norvégiens, selon Bjoern Kjos, car "un avion au sol ne gagne pas d'argent".
En 2012, Norwegian a passé la plus grosse commande de l'histoire de l'aviation européenne en achetant 122 B737 et 100 A320 Neo, pour un prix catalogue de 16,6 milliards d'euros. Livrables à compter de 2016, ces appareils de dernière génération permettront jusqu'à 15 % d'économies en kérosène.
Depuis son siège proche d'Oslo, "dans les anciens locaux de SAS devenus trop grands pour eux" y dit-on avec malice, la compagnie rayonne sur l'Europe. Elle a ouvert des bases dans les autres capitales nordiques, dans plusieurs villes espagnoles et, depuis peu, à Londres.
Cette stratégie d'essaimage lui permet de recruter localement des équipages moins chers qu'en Norvège. Elle s'avère payante puisque Norwegian est bénéficiaire depuis 2006 quand SAS, malgré de multiples plans de restructuration, n'a gagné qu'une fois de l'argent depuis 2007.
Pour 100 euros de revenus, SAS - contrôlé à 50 % par les États scandinaves - doit en débourser 32,1 en coûts salariaux contre 17,4 chez Norwegian.

Vents contraires

Depuis l'an dernier, Norwegian s'essaie au long-courrier avec des vols entre la Scandinavie, les États-Unis et Bangkok, et, depuis cet été, entre Gatwick et l'Amérique du Nord.
"Le défi au-dessus de l'Atlantique, c'est que 87 % du trafic est contrôlé par les trois grandes alliances aériennes et bien sûr, elles n'aiment pas la concurrence, surtout à bas prix", affirme Bjoern Kjos.
Dans le collimateur de ses rivaux mais aussi des syndicats et d'une partie de la classe politique américaine, le transporteur attend toujours que Washington accorde une licence d'exploitation à sa filiale long-courrier Norwegian Air International (NAI), enregistrée en Irlande.
Cette immatriculation irlandaise, qui lui permet entre autres de traverser l'Atlantique avec du personnel asiatique ou américain moins coûteux, lui vaut des accusations de dumping social.
"La compagnie ne volera même pas depuis ou vers l'Irlande. C'est juste pour éviter l'application du rigoureux droit du travail norvégien", s'emporte Ed Wytkind, le président d'AFL-CIO, principal regroupement syndical américain.
Les débuts de Norwegian sur les longues distances ont aussi pâti des déboires du 787 Dreamliner.
Le modèle économique de la low-cost repose sur les performances du dernier-né de Boeing, dont elle recevra un huitième exemplaire en 2015. Or, l'appareil a accumulé les problèmes de jeunesse, provoquant des retards auxquels Norwegian a peiné à remédier faute de flotte suffisante et d'alliance vers qui se tourner.
S'ajoutant à d'importants coûts d'expansion, les incidents ont pesé sur ses comptes (indemnités aux passagers, location d'appareils de substitution...) et écorné son image : la compagnie fait face à des poursuites judiciaires en Suède et, en Norvège, l'expression "Kjosfast" ("cloué au sol à cause de Kjos") est entrée dans le langage.
"Il leur manque des avions pour le moment", estime Kenneth Sivertsen, analyste chez Arctic Securities, mais "il est probable qu'ils gagnent de l'argent ou soient au moins à l'équilibre l'an prochain" dans le long-courrier.
"Ça leur aura pris deux ans. C'est tout à fait acceptable", conclut-il.

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