Nouvelles fermetures en vue pour le raffinage européen

L'horizon reste sombre pour le raffinage européen, secteur chroniquement mal en point dont le déclin de rentabilité ne pourra être enrayé qu'au prix de nouvelles fermetures de sites, avertissent des spécialistes.
"L'industrie du raffinage perd de l'argent", déplore le président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), Jean-Louis Schilansky. "Avec les pertes que le secteur a enregistrées en 2013, il est probable qu'il y aura d'autres restructurations", prédit-il. Pour la France seule, les pertes sont estimées entre 700 et 750 millions d'euros, à cause d'un nouvel effondrement des marges de raffinage, après une brève embellie en 2012. Cette marge, qui résulte de la différence entre le prix des produits raffinés et celui du pétrole brut, ne couvre plus l'ensemble des frais des raffineurs. "Elle a atteint en moyenne 18 euros la tonne alors que l'équilibre se situe à environ 31-32 euros", selon Jean-Louis Schilansky. Le constat vaut pour toutes les raffineries européennes, qui souffrent d'une demande en baisse, d'une compétitivité érodée et d'une concurrence internationale accrue. "À part fermer, il n'y a pas vraiment de solution afin que celles qui restent puissent bénéficier d'une marge positive", abonde Olivier Abadie, spécialiste de l'aval pétrolier au cabinet de recherche IHS.
En Europe, la consommation de produits pétroliers a reculé en moyenne de 2 % par an depuis 2006 en raison de la crise économique, de la tertiarisation de l'économie, de normes environnementales plus sévères et d'une efficacité énergétique accrue, selon l'association de l'industrie pétrolière européenne Europia. À cela s'ajoute une structure de production inadaptée à la demande : les raffineries produisent trop d'essence et pas assez de gasoil, à la marge pourtant plus élevée. En France, ce carburant bénéficie d'une fiscalité avantageuse et représente plus de 80 % des volumes écoulés dans les stations-service. Les raffineries sont dès lors contraintes d'exporter leurs surplus d'essence et les distributeurs doivent importer massivement du gasoil. "Elles seraient plus rentables si elles pouvaient produire plus de diesel", mais la crise qui frappe le secteur l'empêche de réaliser ces investissements lourds pour s'adapter, explique Olivier Abadie.

La France épargnée à court terme

Dans le même temps, le débouché majeur que constituaient les États-Unis pour les exportations européennes s'est tari et de nouveaux acteurs apparaissent en Asie et au Moyen-Orient. Soumises à moins de contraintes environnementales, les raffineries américaines ont gagné en compétitivité grâce à l'essor des hydrocarbures de schiste qui leur donne accès à des matières premières bon marché. Le pays est lui-même devenu exportateur. "L'énergie représente 60 % des coûts opératoires en Europe et seulement 30 % aux États-Unis", relève Jean-Louis Schilansky. Conséquence : depuis 2009, le nombre de raffineries est passé de 102 à 87 en Europe, et de 12 à 8 en France, dont cinq exploitées par Total. Pourtant, la surcapacité persiste. Elle est estimée à environ 10 %, soit environ 70 millions de tonnes par an, estime l'Ufip, selon laquelle "il faudra encore réduire les capacités". Même une reprise économique durable ne changerait pas la donne "tant que l'Europe devra payer son énergie deux fois plus cher que les États-Unis", estime Alain Mathuren, d'Europia, alors que de nouvelles législations environnementales européennes pourraient entraîner plusieurs milliards d'euros de charges supplémentaires pour le secteur (Total, Eni, Repsol, Shell...).
Dans l'immédiat, l'Hexagone échapperait aux coupes claires. "Total s'était engagé, à la fermeture de la raffinerie de Mardyck (en 2010), à ne pas fermer d'autre raffinerie dans les cinq ans, ce qui réduit le risque de fermeture en France à court terme", selon Olivier Abadie, d'IHS. "Le pays de loin le plus excédentaire en Europe en termes de capacité de raffinage est l'Italie". Premier raffineur européen, Total prévoit environ 500 millions d'euros de pertes en France pour sa branche raffinage-pétrochimie en 2013. Ses capacités ont diminué de 23 % entre 2006 et 2011 et une réduction supplémentaire de 20 % est prévue d'ici 2017. "Réduire les capacités ne signifie pas nécessairement fermer des sites", prévient toutefois une porte-parole du géant pétrolier. Il s'agit de "produire moins mais mieux" et de poursuivre la stratégie de rapprochement des activités de raffinage et de pétrochimie qui a permis de dégager 100 millions de dollars de synergies l'an dernier.

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