Pétrole canadien cherche marchés désespérément

L'industrie canadienne du pétrole se débat pour pouvoir construire plusieurs nouveaux oléoducs, comme le controversé projet Keystone XL vers le Texas, car elle risque de manquer prochainement de conduites pour écouler sa production croissante.
Le Canada, sixième producteur mondial qui abrite les troisièmes réserves de pétrole de la planète grâce aux sables bitumineux de la province de l'Alberta, est le premier fournisseur étranger des États-Unis, qui absorbent 98 % de ses exportations et les trois quarts de sa production de brut. Cette situation est appelée à changer car les États-Unis deviendront vers 2020 le premier producteur mondial de la planète, alors que leur consommation aura commencé à baisser, prédit l'Agence internationale de l'énergie.
Autre problème pour l'industrie canadienne : le réseau actuel d'oléoducs en Amérique du Nord ne lui permet pas ou trop peu d'accéder aux marchés en croissance, comme la Chine et l'Inde, voire en demande comme les raffineries du golfe du Mexique au Texas ou de l'Est du Canada et des États-Unis, forcées d'importer du pétrole de l'étranger. Le gros de sa production transite en effet par le marché du Midwest américain, qui est saturé de brut, du fait de l'explosion de la production de pétrole de schiste dans les États du Dakota du Nord et du Montana, voisins de l'Alberta.
"Le pétrole de schiste, qui ne représentait il y a cinq ans qu'une part négligeable de la production des États-Unis, compte maintenant pour près du tiers de celle-ci", explique Avery Shenfeld, économiste en chef de la banque canadienne CIBC. "Les producteurs canadiens étaient vus comme la principale source d'approvisionnement des États-Unis et là, ils sont obligés d'entrer en compétition avec un pétrole qui coûte moins cher à produire et à raffiner", résume Charles Saint-Arnaud, économiste en charge du Canada à la banque Nomura à New York.
Faute d'accès suffisant à d'autres marchés, comme celui du Texas, d'où elle pourrait écouler sa production ailleurs aux États-Unis ou à l'étranger, l'industrie canadienne doit accepter un prix moindre pour son pétrole que le brut de référence américain, qui vaut lui-même moins cher que le Brent à Londres. Cette situation lui coûte actuellement "50 millions de dollars par jour", estime le ministre canadien des Ressources naturelles, Joe Oliver.

Exporter ou péricliter

D'où l'intérêt de l'industrie pour le projet Keystone XL, qui doit être approuvé par le gouvernement américain, mais aussi pour quatre autres projets majeurs au Canada, dont deux vers le Pacifique et deux autres vers l'Atlantique, pour atteindre de nouveaux marchés. Partout, ces projets sont contestés par les écologistes et une partie de l'opinion publique, le pétrole des sables bitumineux n'ayant pas bonne réputation, en raison de son procédé d'extraction énergivore et polluant. Le gouvernement conservateur d'Ottawa n'a rien fait pour faciliter l'acceptation de ces projets, notamment de Keystone XL aux États-Unis, en refusant d'imposer "une taxe carbone" à l'industrie, estime par ailleurs M. Saint-Arnaud.
Pourtant, "les besoins d'importation nets des Américains viendront inévitablement contrecarrer les projets du Canada d'accroître sa production de 2 millions de barils par jour pour le reste de la présente décennie", prédit M. Shenfeld. Le Canada produit près de 3 millions de barils de brut par jour, production que l'industrie aimerait porter à 4,7 millions en 2020 et à 6,2 millions en 2030. "Dans la situation actuelle, la production de pétrole de l'Ouest canadien pourrait bientôt dépasser sa capacité d'exportation", avertit toutefois l'institut de recherche Canada West Foundation, craignant que l'industrie ne se retrouve "paralysée". Scénario qui pourrait devenir réalité dès "l'année prochaine", croit M. Saint-Arnaud. Au plus tard en 2016, jugent d'autres experts.

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