Un port pétrolier chez les bélugas du Saint-Laurent

Les sondages et relevés sismiques menés cet été à Cacouna, dans l'estuaire du fleuve Saint-Laurent, dans l'optique de la construction d'un terminal pétrolier en eaux profondes, ont déclenché une levée de boucliers des scientifiques canadiens, tels que Pierre Béland. Cet océanographe, ancien biologiste du ministère canadien des Pêches et des Océans, dénonce un projet bâclé qui pourrait être fatal pour les bélugas, ces cétacés en voie de disparition qui ne vivent qu'en eaux polaires.
La justice québécoise a ordonné le 23 septembre la suspension des activités de forage au large de Cacouna jusqu'au 15 octobre, soit jusqu'à la fin de la période de reproduction des bélugas. Si le projet devait reprendre et que ce port pétrolier ouvrait en 2018, quelle incidence aurait-il sur les bélugas ?

Ça pourrait être fatal. Ce projet consiste à construire une jetée d'au moins 700 mètres en plein dans l'habitat vital des bélugas. Cette population est totalement isolée de celle de l'Arctique. La colonie du Saint-Laurent a été décimée par la chasse jusque dans les années 1920-1930, puis par l'accumulation de produits toxiques et ensuite par le dérangement causé par l'augmentation du trafic maritime. Tout cela a fragilisé la population de bélugas qui compte maintenant moins de 1.000 individus. La situation est très critique et ce projet arrive alors que la population, que l'on croyait stabilisée depuis quelques années, est à nouveau en diminution : depuis 2008 on constate une augmentation de la mortalité chez les "veaux", ce qui est extrêmement inquiétant.

En ordonnant la suspension des travaux, la justice a déploré dans son jugement "qu'aucun des représentants du ministre québécois de l'Environnement ayant travaillé sur le dossier ne connaisse les mammifères marins". Comment cela est-il possible ?

La situation des bélugas du Saint-Laurent est connue et tous les articles scientifiques écrits à ce sujet ont mené à sa désignation en 1983 comme espèce menacée d'extinction. Les deux gouvernements (canadien et québécois) sont conjointement responsables d'assurer la survie de l'espèce. La loi stipule qu'avant de faire quoi que ce soit dans un habitat protégé, le ministère fédéral des Pêches et des Océans doit fournir un avis scientifique. Le ministère aurait dû demander à ses experts ou à des conseillers expérimentés de rédiger cet avis. Mais ils ont plutôt choisi une scientifique qui ne fait pas de recherche sur les bélugas du Saint-Laurent.

Comment s'explique, selon vous, ce choix surprenant ?

Pour les décideurs actuels, toute analyse d'impact sur l'environnement constitue une perte de temps qui retarde les projets économiques. Le gouvernement de Stephen Harper à Ottawa favorise l'exploitation du pétrole, particulièrement celui des sables bitumineux d'Alberta, et il veut absolument qu'il y ait un pipeline jusqu'à Cacouna et que le port pétrolier soit construit. Ce gouvernement a même changé la loi à la dernière minute en 2012 : dans l'habitat des espèces menacées tu ne peux rien faire... sauf faire passer des pipelines.

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