Le dossier s’étire en longueur. À quelques heures de l’expiration de l’accord de vente et d'achat, alors que Fincantieri n'a toujours pas remis à la Commission européenne les éléments requis, Paris a proposé une « prolongation pour une nouvelle durée d'un mois » au groupe public italien, selon une source ministérielle auprès de l’AFP.
L’UE attend des informations dans le cadre d’une enquête approfondie sur l'impact de la vente pour la concurrence dans le secteur de la construction navale. Fincantieri affirme de son côté avoir déjà fait « tout ce qu'il doit et peut faire pour cette acquisition ». Pour justifier le nouveau délai, Bercy fait valoir que « la prolongation de la crise économique et le manque de visibilité du secteur de la croisière rendent complexe l'étude par la Commission du dossier ».
Sujet hautement politique
Pour David Samzun, maire socialiste de Saint-Nazaire où sont implantés les Chantiers, « la volonté politique n'est pas là ». Tout comme les présidents du département et de la région, l’élu est opposé à ce projet, qui ne serait plus « financier » mais « politique ». Il déplore le fait que l'exécutif français ne soit pas capable d’y mettre un terme et « reprendre les manettes pour trouver un autre scénario ».
Depuis la faillite de la maison mère sud-coréenne des Chantiers, l'entreprise de Saint-Nazaire, spécialisée dans les paquebots et navires militaires de grande taille, est détenue par l'État français (84,3 % du capital), Naval Group (11,7 %), les salariés (2,4 %) et des sociétés locales (1,6 %). Depuis 2017, un projet de cession prévoit que Fincantieri prenne 50 % du capital, plus 1 % supplémentaire prêté par l'État français, qui se réserve le droit de le reprendre si le groupe italien ne respecte pas ses engagements.
Le dossier est stratégique, le secteur de la construction des grands navires de croisière constituant encore une chasse-gardée européenne face à la concurrence asiatique. Trois chantiers se partagent le marché : le français Chantiers de l'Atlantique, l’italien Fincantieri et l'allemand Meyer Werft. Or, l’alliance nouée entre l'entreprise italienne et le chinois CSCC pour construire des paquebots alerte.
Diplomatie sensible
Paris et Rome ne sont pas non plus dans une zone de confort à ce sujet. Après la signature de l'accord pourtant durement négocié, la France et l'Allemagne avaient saisi la Commission européenne. Le geste avait irrité Rome, le chef du gouvernement Giuseppe Conte évoquant un comportement « ambigu » et « peu compréhensible ». Les Chantiers de l'Atlantique ont réalisé un chiffre d'affaires de 1,8 Md€ en 2019, emploient 3 100 personnes et entretiennent un réseau de 5 000 sous-traitants.
La rédaction (avec AFP)