Les cargaisons s’accumulent dans les ports

 

En ces temps peu ordinaires d’internement généralisé, la demande des consommateurs est au plus bas et la production manufacturière fonctionne à très bas régime. Terminaux encombrés, stockages temporaires, cargaisons abandonnées, les assureurs et les transitaires alertent sur les risques, responsabilités et frais liés la saturation des entrepôts portuaires.

Certaines dispositions prises par quelques armateurs suggéraient que s’exerçaient certaines tensions. Depuis début avril, pour « réduire les coûts liés à l’entreposage, au stockage et autres frais », MSC et CMA CGM proposent à leurs clients la possibilité de stocker temporairement leurs conteneurs dans des sites tampons jusqu’à ce que le réceptionnaire soit prêt à les recevoir à la destination finale prévue au connaissement. 

Le transporteur italo-suisse réserve ainsi de l'espace dans les terminaux à conteneurs dont il se sert en tant que hubs : Bremerhaven en Allemagne, Busan en Corée du Sud, King Abdullah Port en Arabie Saoudite, Lomé au Togo, le terminal international de Balboa Rodman PSA Panama au Panama, Tekirdag Asja en Turquie, Freeport aux Bahamas, Gioia Tauro en Italie, Klaipéda en Lituanie et Las Palmas en Espagne.

L’armateur français n’a pas tardé à proposer une offre similaire, appelée « delay in transit », dans huit ports : Kingston (marchandises vers les Amériques), Algésiras et Le Pirée (vers l’Europe du nord), Algésiras et Malte (vers l’Ouest de la Méditerranée et l’Adriatique), Tripoli (vers l’Est de la Méditerranée et la Mer Noire), Tanger Med (vers l’Afrique de l’Ouest), Singapour et Pusan (vers l’Asie et le Pacifique). 

MSC et CMA CGM offrent à leurs clients la possibilité de stocker temporairement leurs conteneurs

Disponibilité des conteneurs en cause

« La question des déséquilibres des conteneurs dans la chaîne d'approvisionnement maritime n'est pas nouvelle. Mais avec le Covid, cette question a atteint un point de rupture avec la congestion des ports et des terminaux, les cargaisons abandonnées et la pénurie de conteneurs », pose la Fédération internationale des associations de transitaires (FIATA),  qui représentent 40 000 sociétés de transport et de logistique. « Il y a bien eu l’espoir d'un problème temporaire de quelques semaines lorsque la Chine a commencé à relancer son économie mais le verrouillage de nombreuses économies mondiales pour contenir la propagation de COVID-19 a au contraire exacerbé le phénomène », expliquent les transitaires. « Quand bien même les conteneurs en provenance de Chine continueraient d'arriver dans les ports, la fermeture des usines en empêcheraient la livraison ». Dans le même temps, faute de visibilité, les commandes continuent d'être annulées. Les pressions sur la demande incitent les transporteurs à ajuster leur offre en multipliant les suppressions des traversées, ce qui accroît l’indisponibilité des conteneurs pour les expéditions de retour (exportations) dans les pays importateurs, signifient-ils.

Le manque de capacités ne concerne qu’une minorité de ports

Pour autant, le baromètre Port Covid-19, initié début avril par l'Association internationale des ports (IAPH) en partenariat avec le World Ports Sustainability Program, qui passe en revue chaque semaine les différents impacts sur l’utilisation des capacités portuaires, y compris les activités d'entreposage, témoigne d’une situation très contrastée. 35 % des ports ont signalé une augmentation des installations mais seule une minorité fait état d'un manque de capacité, indique l’association internationale des ports, sans autre précisions. Et la tendance hebdomadaire est plutôt à la baisse.

Dans sa dernière édition, celle du 1er mai, l’enquête justifiait la baisse du nombre de ports signalant des encombrements par le fait que « dans certains pays, il est possible d'envoyer à des tiers les marchandises stockées dans les entrepôts ainsi que de les recevoir ».

Pour certains ports, l'encombrement est le fruit des importations de marchandises non essentielles. « Les autorisations délivrées par certains pays de libérer les importations et exportations de marchandises non essentielles en moyenne trois jours par semaine a permis de réduire de 60 % l'utilisation des capacités de stockage dans les parcs à conteneurs », assurent les associations.

Risques et responsabilités des stockages temporaires 

« La pandémie actuelle perturbe les chaînes d'approvisionnement mondiales avec notamment des décalages importants de flux entre les zones de production asiatiques et les marchés de consommation européen et américain, ce qui entraîne une accumulation de biens produits ici mais non requis là. Il s'agit essentiellement de produits non essentiels, pour lesquels la demande est faible en raison du verrouillage des activités économiques », confirme le TT Club (International transport & logistics insurance), qui alerte pour sa part sur les risques des stockages improvisés.

Au Royaume-Uni, l'association britannique des entrepôts (UKWA) indique avoir atteint un taux d’occupation de 90 % de la capacité des entrepôts du pays. Elle note par exemple qu’une enseigne de la grande distribution aurait loué 40 % de plus d'espace de stockage qu’elle ne l'aurait fait dans des circonstances normales.

Le TT Club estime que les risques se situent précisément à ce niveau, quand les opérateurs recherchent un autre type de stockage. « Ils s’exposent alors à des responsabilités et risques supplémentaires, en particulier si le stockage est long, explique Mike Yarwood, le directeur général de l’assureur. Car les dommages peuvent être accrus dans des installations qui peuvent ne pas être d'un niveau similaire, tant sur le plan de sécurité qu’au niveau des caractéristiques physiques du bâtiment. La sécurité ne se limite pas aux seules mesures prises pour protéger les bâtiments contre les intrusions extérieures, clôtures, vidéosurveillance, etc. Il faut intégrer le fait que les marchandises soient livrées par des transporteurs qui ne connaissent pas les lieux. Les marchandises, selon leur dangerosité ou spécificité (à température contrôlée), peuvent ne pas être manipulées par des équipements appropriés ou des personnels formés. Les lieux de stockage hors terminal peuvent ne pas être prémunis contre les risques phytosanitaires », énumère-t-il à titre d’exemples.

L’assureur, qui déclare avoir des intérêts assurables dans près de la moitié des 100 premiers ports du monde, rappelle qu’il faut tenir une documentation scrupuleuse des flux. « Dans une situation où les marchandises sont stockées dans des installations inhabituelles, hors site voire à une certaine distance, il est capital de conserver des registres précis des mouvements et des durées de stockage ».

Adeline Descamps

 

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