Air France : l'État un actionnaire minoritaire au rôle ambigu

L'État, actionnaire minoritaire d'Air France, multiplie les déclarations dans la crise opposant la direction aux pilotes, mais sans véritable marge de manœuvre financière et embarrassé par sa position de juge et partie dans le dossier.
"L'État a un jeu un peu compliqué. D’un côté, il est actionnaire minoritaire d’Air France-KLM et de l’autre, il est partie prenante notamment à travers sa participation majoritaire dans le capital d'Aéroports de Paris (ADP), qui facture des redevances à Air France, et en tant que régulateur à travers la Direction générale de l'aviation civile (DGAC)", souligne Stéphane Albernhe, Managing Partner du cabinet Archery Strategy Consulting.
Cet été, ADP a ainsi obtenu de l'État une hausse du niveau des redevances aéroportuaires réclamées aux compagnies aériennes, dont Air France. Quatre organisations regroupant des compagnies aériennes françaises ont d'ailleurs saisi la commission européenne d'une plainte contre l'État estimant que ce dernier avait dans cette affaire privilégié "son rôle d'actionnaire (d'ADP) à celui de régulateur indépendant". "L'État a voulu maximiser les profits d'ADP qui, il est vrai, apporte un dividende plus important" qu'Air France, regrette une source proche du dossier. La part du capital détenue par l'État dans ADP pèse environ 5 milliards d'euros. Sa participation dans Air France (17,58 %) vaut elle un peu plus de 300 millions d'euros. Outre ces redevances facturées à Air France via ADP, l'État prélève des taxes auprès des compagnies aériennes pour financer la sûreté des aéroports et le contrôle aérien.
Autre source de critiques : le rôle de l'État actionnaire en tant que régulateur, à travers la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). En juin, le secrétaire d'État chargé des Transports, Alain Vidalies, avait confirmé l'attribution de nouveaux droits de trafic pour l'aéroport de Nice à Qatar Airways, un gros concurrent d'Air France sur le long-courrier, un des segments sur lequel la compagnie française souffre le plus.
Depuis l'échec le 30 septembre du plan Perform 2020 de productivité et de croissance - qui demandait notamment aux pilotes de travailler plus à rémunération égale -, le président François Hollande, le Premier ministre, Manuel Valls, et Alain Vidalies, ont tour à tour indiqué avec insistance leur soutien à la direction de la compagnie aérienne. "Mais la solution pour Air France vient d'abord de l'entreprise elle-même", a déclaré mercredi 7 octobre Manuel Valls, le gouvernement écartant pour l'instant l'idée d'intervenir en tant que médiateur dans le conflit.

État schizophrène

Pour Julien Duboz, porte-parole du Spaf, deuxième syndicat de pilotes représentatif à Air France, l'État est tout simplement "schizophrène". "On ne parle pas de l'État actionnaire, mais de l'État régulateur. Le problème c'est qu'il est un peu schizophrène, on le dit depuis des mois et des mois", explique-t-il en référence à sa présence au capital d'ADP. Véronique Damon, secrétaire générale du SNPL Air France, principal syndicat de pilotes, réclame "une action de l'État en tant que régulateur, dans un contexte de concurrence déloyale" notamment vis-à-vis des compagnies du Golfe, "assises sur un coffre de pétrodollars" et qui bénéficient de "grosses subventions" de leur État respectif. Air France doit pouvoir "jouer avec des règles un peu plus équitables", l'État français doit agir sur la question des "taxes et redevances diverses", estime-t-elle. Sur ce sujet, "on a les pieds coincés par des boulets, l'État détient les clés pour nous en libérer", ajoute-t-elle. Sur le plan financier, une aide directe de l'État est exclue par Bruxelles qui interdit des "aides d'État" aux entreprises.

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