Blé : les marchés suspendus aux exportations de la mer Noire

En dépit d'une détente des prix du blé après six mois de guerre en Ukraine, la situation pourrait "basculer de nouveau" sans montée en puissance des exportations de la mer Noire, selon le cabinet d'analyses Agritel.
Au niveau mondial, "les stocks sont colossaux sur le papier, mais on est dans une situation de grande dépendance. La clé du marché reste la mer Noire", a affirmé Nathan Cordier, chef analyste chez Agritel (Argus Media France). D'excellentes récoltes s'annoncent en Australie et au Canada, mais les productions de l'Union européenne et des États-Unis "sont à peine à leur moyenne quinquennale", relève-t-il.

En Europe, la situation est très hétérogène, avec des productions inférieures de 19 % à la moyenne des cinq dernières années en Espagne ou en Italie, pays qui ont particulièrement souffert de la sécheresse, tandis qu'elles sont supérieures en Roumanie (+ 3 %) et dans les pays baltes (plus de 20 %), selon les estimations du cabinet.

Les plus importantes marges se trouvent en mer Noire. La moisson s'annonce extraordinaire en Russie, avec une production record estimée à 95 millions de tonnes par Agritel (88 millions de tonnes selon le dernier rapport du ministère américain de l'Agriculture, contre 75 millions en 2021), et des exportations potentielles de 42 millions de tonnes.

"Pour la première fois de l'histoire, la Russie dispose de plus de 100 millions de tonnes de blé, production et stocks confondus", relève Nathan Cordier, qui souligne que les exportateurs de la mer Noire (Russie, Ukraine et Kazakhstan) représentent à eux seuls "40 % des stocks" des principaux exportateurs mondiaux de blé.

La production de blé des cinq grands exportateurs hors mer Noire (UE, Canada, Australie, États-Unis et Argentine) "ne leur permettra pas de couvrir une défaillance de l'Ukraine ou de la Russie", souligne l'analyste.

Depuis trois mois, le marché s'est progressivement rassuré, avec la reprise des exportations ukrainiennes par la route et le rail, puis la mer. Agritel estime que Kiev pourrait exporter cette année 12 millions de tonnes de blé (contre plus de 18 millions en moyenne ces cinq dernières années).

Demande en hausse

"On ne manque pas de marchandises dans le monde, on manque de marchandises qui bougent", a résumé Michel Portier, directeur général d'Agritel, qui voit les marchés rester très volatils dans les prochains mois, compte tenu de l'incertitude géopolitique, des risques climatiques et de la crise énergétique.

Depuis le début de l'été, la baisse des prix, pratiquement revenus au niveau d'avant-guerre (autour de 330 euros la tonne de blé sur Euronext), a relancé la demande, avec une prime aux exportations européennes qui ont bénéficié à la fois de la baisse de l'euro face au dollar et d'un recul des exportations russes (- 17 % en juillet-août par rapport à 2021).

Conséquence : la France a déjà écoulé plus d'un quart de ses exportations annuelles de blé hors UE et va devoir ralentir pour maintenir un stock, alors que la récolte de cette année est estimée par Agritel à 33,6 millions de tonnes, en-deçà de la moyenne quinquennale.

Par ailleurs, Agritel s'attend à la plus faible récolte de maïs du XXIe siècle en France, avec une production de 10,8 millions de tonnes, et guère meilleure en Europe, avec 53,8 millions de tonnes, au plus bas depuis quinze ans. "Ce manque de maïs va limiter le recul de la consommation de blé en alimentation du bétail, en dépit de la crise qui touche l'élevage français et européen", estime le cabinet.

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