Brétigny : les experts pointent un "état de délabrement"

Un an après la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, qui avait fait sept morts et des dizaines de blessés, les experts judiciaires ont rendu des conclusions sévères à l'encontre de la SNCF, mettant en cause un "état de délabrement jamais vu par ailleurs" de cette portion du réseau ferré. Ces conclusions, qui doivent être officiellement annoncées par le procureur d'Évry, Éric Lallement, confirment que c'est une éclisse (sorte d'agrafe métallique) mal fixée dans un aiguillage qui a causé le déraillement du train, et sont accablantes pour la SNCF. Si les experts Michel Dubernard et Pierre Henquenet écartent "formellement l'hypothèse de l'acte de malveillance", ils mettent sévèrement en cause les "prescriptions de maintenance", jugées "inadaptées" et "insuffisantes".
Première conclusion, le matériel a cédé pour des raisons très claires : "L'armement a péri par fatigue, vibrations, battement, défauts de serrage, usure, etc. Tous dommages relevant de la qualité de la maintenance", écrivent-ils. Alors même que la gare de Brétigny "était connue des services de la SNCF comme une zone à risque", "de très nombreuses lacunes" ont été relevées dans le suivi et la traçabilité des opérations sur ce site, souligne le rapport. En effet, plus de 200 anomalies ont été observées sur l'appareil de voie incriminé. Ces anomalies étaient pour la plupart "connues de la SNCF ou de ses agents, sans pour autant qu'il y soit remédié de façon adéquate".
Dès 2008, les historiques de maintenance montrent que la gare de Brétigny "préoccupait manifestement les ingénieurs de la SNCF" qui avaient constaté des "défauts récurrents d'alignement et de dressage". Selon les experts, "le processus ayant abouti à la désagrégation complète de l'assemblage" s'est "étalé sur plusieurs mois". Cet "état de délabrement" n'a "jamais été vu par ailleurs", soulignent-ils. D'après eux, si le train Paris-Limoges Intercités n° 3657 n'avait pas déraillé ce 12 juillet 2013 à 17 h 11, un accident apparaissait inévitable. "Si l'éclisse intérieure n'était pas venue se loger dans la lacune du cœur, le déraillement serait sans aucun doute arrivé quelques trains plus tard", écrivent-ils.

Un réseau "extrêmement dégradé"

Ainsi en raison de l'état des voies constaté à Brétigny, les ingénieurs jugent "souhaitable de limiter à 100 km/heure la vitesse des trains à l'approche" de cette gare. Lors de l'accident, le train roulait à 137 km/heure, pour une vitesse limitée à 150. Au final, les experts retiennent trois facteurs ayant conduit à l'accident : des manuels d'entretien trop complexes et donc impossibles à mettre en œuvre sur le terrain, une insuffisance de prise en compte des anomalies rencontrées et un mauvais suivi des interventions.
"Ce nouveau rapport est consternant... J'ai un sentiment de colère", a réagi Jean-Robert Baroux, un des voyageurs du train. Il n'a pas été blessé mais reste traumatisé par ce qu'il a vécu. "Je ne voudrais pas que le service de maintenance soit le bouc émissaire de la SNCF", a-t-il toutefois ajouté. "La SNCF était au courant depuis 2008 qu'il y avait des anomalies et rien n'a été fait. Est-ce que la maintenance était qualifiée pour voir ces détails ? Est-ce que les effectifs étaient suffisants pour faire des réparations ? Est-ce qu'ils en avaient les moyens ? C'est un peu l'interrogation que je me pose", a-t-il expliqué.
En janvier, un rapport d'étape du Bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) avait déjà mis en cause les règles de maintenance en vigueur à la SNCF. Le secrétaire d'État aux transports, Frédéric Cuvillier, a déploré lundi 7 juillet la situation "extrêmement dégradée" du réseau ferré français, affirmant néanmoins que, depuis l'accident, "un certain nombre d'actions ont été menées". Dès dimanche soir, la SNCF et le gestionnaire Réseau ferré de France (RFF) ont démenti "formellement" tout état de délabrement du réseau, estimant que le réseau faisait l'objet "d'une surveillance constante". Les conclusions des experts judiciaires sont rendues publiques à quelques jours du premier anniversaire de la catastrophe, pour lequel une cérémonie commémorative est prévue samedi 12 juillet à Brétigny.

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