Canal interocéanique au Nicaragua : un projet sérieux ?

Les plans visant à creuser un nouveau canal interocéanique en Amérique centrale, à travers le Nicaragua, tendent à s'accélérer alors que celui du Panama est en crise, mais le pays oscille entre optimisme et scepticisme concernant la viabilité de ce projet pharaonique à capitaux chinois.

Pour certains analystes, l'idée d'un canal interocéanique au Nicaragua est la réponse à tous les maux du Nicaragua, l'un des pays les plus pauvres de la région. Pour d'autres, ce projet estimé à 40 milliards de dollars (environ quatre fois le PIB annuel du pays, selon la Banque mondiale) est au mieux d'une chimère, au pire d'une catastrophe écologique. Le président Daniel Ortega, et le patron de l'entreprise chinoise basée à Hong Kong HKND, Wang Jing, à qui le gouvernement a accordé la concession pour la construction et la gestion de la voie pour un siècle, ont récemment affirmé que les travaux débuteraient fin 2014, coïncidant avec le centenaire du Canal de Panama.
Sous le sceau d'un hermétisme total, des études de faisabilité seraient actuellement réalisées. Ses promoteurs assurent qu'il s'agit d'un projet de plus grande envergure que le Canal de Panama, avec lequel il serait plus complémentaire que concurrent. "Nous ne voulons pas devenir la risée du monde et nous ne voulons pas devenir un exemple d'échec d'investissements chinois", a affirmé de son côté Wang Jing en gage de bonne foi, alors que le gigantisme de l'initiative génère attentes et inquiétudes.

Aberration économique et écologique ?

Les prévisions officielles estiment que ce canal, un projet vieux de plus d'un siècle, génèrerait une croissance économique annuelle de plus de 10 % et la création d'un million d'emplois, dans un pays de six millions d'habitants, dont plus de 40 % sous le seuil de pauvreté local (Banque mondiale) et 53 % en sous-emploi. Le projet nicaraguayen prévoit des ports en eaux profondes, un aéroport, un oléoduc, un chemin de fer et la création de zones franches, pour un temps de construction estimé de six à dix ans. Mais l'enthousiasme des autorités contraste avec les réserves des défenseurs de l'environnement et d'autres secteurs de la société civile comme d'experts internationaux.
À Londres, Ralph Leszczynski, directeur de la recherche pour le courtier maritime Banchero Costa, est formel : "Il n'y a absolument aucune justification économique pour un nouveau canal". "Aucun des plus importants échanges commerciaux actuels ne nécessite de traverser" l'Amérique centrale, affirme-t-il. Par ailleurs, aucun tracé, parmi les six possibles, n'a pour l'heure été confirmé. Celui considéré comme le plus probable par les spécialistes suppose un parcours de 286 km entre la mer des Caraïbes et l'océan Pacifique, via le lac Cocibolca, principale source d'eau douce du pays de 8.600 km2. "Une petite fuite d'hydrocarbures, un séisme ou les vents forts soufflant sur cette zone pourraient provoquer une catastrophe écologique qui mettrait à tout jamais en péril la consommation humaine de l'eau du lac", avertit le biologiste Salvador Montenegro, directeur du Centre pour le recherche sur les ressources aquatiques de l'Université du Nicaragua.

Doutes sur l'investisseur

En outre, "tout se fait de manière accélérée et silencieuse. Il y un grand écran de fumée" autour du projet, critique Ana Quiros, dirigeante de l'une des principales organisations sociales du pays. Les doutes s'accumulent enfin sur l'investisseur chinois. "Il n'a aucune référence laissant penser qu'il s'agit d'un investisseur et d'un entrepreneur expérimenté. Il bénéficie d'une concession pour ouvrir un réseau téléphonique et n'a pas posé une seule ligne dans tout le pays", rappelle Ana Quiros.

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