Démarrage de la bioraffinerie de Total à La Mède

La raffinerie de biocarburants de Total à La Mède, l'une des plus grandes d'Europe, a démarré sa production, au grand dam des associations de défense de l'environnement. Le site du bord de l'étang de Berre, près de Marseille, issu de la conversion d'une raffinerie d'hydrocarbures, dispose d'une capacité de production annuelle de 500.000 tonnes de biocarburants, du "biodiesel" et du "biojet" pour l'aviation, a expliqué Total mercredi 3 juillet. La production a démarré dans la nuit de lundi à mardi. La bioraffinerie, une des plus grandes du continent avec celles d'Eni en Italie et de Neste en Finlande, est la première de cette taille en France.
Total avait lancé en 2015, en liaison avec le gouvernement, la conversion de sa raffinerie de pétrole brut, alors pourvoyeuse de 430 emplois, mais largement déficitaire dans un contexte de surcapacités européennes. Le groupe indique avoir investi 275 millions d'euros. Et l'ensemble des nouvelles activités - bioraffinerie mais aussi une plateforme de logistique ou encore un centre de formation - permet de maintenir 250 emplois directs. Dans le cadre des travaux, 65 % des commandes ont été passées à des entreprises locales (soit 800 emplois), ajoute-t-on. Mais le démarrage n'est pas allé sans mal, avec près d'un an de retard, pour des "raisons techniques" liées à la "transformation d'installations existantes".
La Mède, qui fonctionnera pour moitié sur la transformation d'huile de palme importée, a aussi fait face à une vive contestation des défenseurs de l'environnement et des agriculteurs, pour une fois unis sur un même front. "France Nature Environnement s'inquiète des conséquences sanitaires potentielles sur les citoyens", réagit ainsi la section provençale de l'association après avoir constaté "depuis plusieurs jours la présence de fumées noires émanant" du site. "France Nature Environnement en appelle à la responsabilité de Total : ses investissements doivent à tout prix être orientés vers des systèmes de production d'énergie de long terme, plus respectueux de l'environnement et de la santé des populations", ajoute l'ONG.

"500.000 tonnes annuelles de biocarburants, du 'biodiesel' et du 'biojet' pour l'aviation"

Les associations environnementales, qui contestent devant la justice administrative l'autorisation d'exploitation accordée par le préfet (audience attendue début 2020), accusent également ce projet de contribuer à la déforestation en Asie du Sud-Est. Mercredi, Total a indiqué s'être "engagé à traiter chaque année au maximum 300.000 tonnes d'huile de palme, soit moins de 50 % du volume des matières premières nécessaires". Les carburants seront produits "pour 60-70 % à partir d'huiles végétales durables (colza, palme, tournesol, etc.)" et "pour 30-40 % à partir de retraitement de déchets (graisses animales, huiles de cuisson, etc.)".
"Lorsqu'ils sont produits à partir de matières premières durables, comme c'est le cas à La Mède, les biocarburants émettent plus de 50 % de CO2 en moins que les carburants fossiles", a expliqué Bernard Pinatel, directeur général Raffinage-Chimie. Total a assuré compléter la certification de son huile de palme par un dispositif spécial de contrôle de la durabilité et du respect des droits de l'Homme (limitation du nombre de fournisseurs, acceptant d'être audités par un expert tiers...).
Mais les ONG, telles que Greenpeace et les Amis de la Terre, demandent plus de transparence sur la traçabilité et l'origine de la palme, dénoncent l'inefficacité de certifications comme les labels RSPO ou ISCC.
Pour le climat, "les agrocarburants c'est pire qu'une énergie fossile, parce qu'on déboise, on utilise des terres destinées à l'alimentation, et l'entreprise ne peut pas s'assurer qu'il n'y a pas de déforestation directe", surtout dans des pays où l'opacité règne, a indiqué Laura Monnier, juriste de Greenpeace, en demandant plus de transparence au ministère de la Transition écologique.
Les agriculteurs étaient venus bloquer le site de La Mède en juin 2018, protestant contre l'importation des matières premières et notamment de l'oléagineux asiatique "dont la part croît" dans l'essence en France au détriment notamment du colza. Total s'est engagé à employer "au minimum 50.000 tonnes de colza français afin d'assurer un débouché supplémentaire à l'agriculture française". L'essentiel de sa production ira au marché national. La France consomme environ trois millions de tonnes par an de biodiesels, incorporés à hauteur de 7,7 % dans les hydrocarbures. Jusqu'ici, environ la moitié était produit en France.

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