Il y a 40 ans, la fin du "France"

Il y a 40 ans, le 11 septembre 1974, le paquebot "France", le plus prestigieux de l'époque, accomplit en rentrant au Havre son dernier voyage sous pavillon tricolore, qui se termine par une incroyable "mutinerie" de l'équipage pendant près d'un mois. Inauguré en 1962, le "France" est certes le plus long du monde (316 mètres), le plus rapide (31 nœuds), le plus élégant... mais l'emblématique paquebot de ligne aux cheminées rouges et noires, fierté nationale, est devenu un gouffre financier. Concurrence de l'avion, crise du pétrole : sans états d'âme, le gouvernement de Valéry Giscard d'Estaing coupe les vivres. Du coup, perdant sa subvention, la Compagnie générale transatlantique (la Transat), société publique, annonce au cours de l'été 1974 qu'elle arrêtera l'exploitation du navire le 25 octobre. Mais le feu social couve. Ce 11 septembre, à l'appel de la CGT, une cinquantaine de militants menés par le secrétaire du comité d'entreprise, Marcel Raulin, envahissent la passerelle et ordonnent au commandant d'équipage, Christian Pettré, de se mettre en travers du chenal pour bloquer le port. Ce qu'il évite de faire. Ancien du commando Kieffer, Raulin "tient dans sa poche une poivrière ouverte, prêt à aveugler le commandant en cas de résistance armée", raconte dans un ouvrage le patron de la Transat de l'époque, Charles Offrey. Les 1.266 passagers sont évacués le lendemain sur un ferry, éberlués par la tournure prise par les événements mais ils chantent néanmoins : "Ce n'est qu'un au revoir".
Une autre vie s'organise à bord. Les officiers refusant de participer au mouvement, ce sont les "blouses blanches", le personnel de service, qui prennent le pouvoir. Un "conseil des ministres" présidé par Marcel Raulin, est mis en place. Un journal de bord "Le (la) France en rade" est publié tous les jours, racontant la vie quotidienne à bord. Un bras de fer est engagé entre la CGT, soutenue par la municipalité communiste havraise, et le gouvernement qui tente d'organiser un blocus du navire. La CGT déclenche une grève nationale de deux jours dans la marine marchande. Le maire, André Duroméa (1917-2011), crée un comité de défense et lance une pétition nationale.

Succès norvégien

Des parlementaires communistes, dont Robert Ballanger (1912-1981), veulent monter à bord du paquebot pour apporter leur soutien aux grévistes, mais ne peuvent que s'en approcher. "Nous sommes montés à bord d'une vedette et nous leur avons parlé avec un mégaphone", se souvient Daniel Colliard, 84 ans, premier adjoint à l'époque. Pendant les premiers jours de l'occupation du paquebot les grévistes bénéficient d'un fort soutien. Même l'évêché fait un geste en envoyant un prêtre pour dire la messe, mais il est refoulé par les forces de l'ordre. Puis le mouvement va s'essouffler, d'autant plus que le paquebot, après treize jours dans le chenal, est contraint de quitter le port pour aller s'abriter des vents dominants au nord-est du Cotentin. Le 9 octobre, c'est la fin. Avec 540 hommes restant à bord - ils étaient près du double au début - le navire revient au Havre. Deux mois plus tard, il est amarré dans le canal de la zone industrielle. On évoque "le quai de l'oubli". Les membres de l'équipage sont presque tous licenciés, certains traumatisés. "Heureusement on se replaçait facilement à l'époque, il n'y avait presque pas de chômage", raconte un ancien employé, Louis Fort, 80 ans. En 1975, le chanteur Michel Sardou relance la question de l'avenir du paquebot. Avec sa célèbre chanson, et son refrain : "Ne m'appelez plus jamais «France»...", il se taille un franc succès, y compris dans les rangs de la CGT. Mais la France ne sait pas quoi faire de son paquebot. Il est racheté en 1977 par un homme d'affaires saoudien qui le cède à un armateur norvégien, la Norwegian Cruise Line (NCL), lequel va le transformer, avec succès, en navire de croisière et casino flottant sous le nom de "Norway". Il quitte Le Havre le 18 août 1979 et y revient épisodiquement, en visiteur étranger. Le "Norway" a finalement été désarmé après l'explosion d'une chaudière à Miami qui a tué huit membres d'équipage en mai 2003. Il a finalement été démantelé en 2009 en Inde malgré la lutte acharnée des amoureux du navire, dont l'association "Pour le paquebot France", qui ont tenté de le sauver.

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