L'embargo russe n'a "pas d'impact significatif" sur Rungis mais les grossistes sont inquiets. "Moins de 1 % des 1.200 entreprises installées sur le site exportent vers la Russie, dans des quantités limitées", a indiqué vendredi 5 septembre Stéphane Layani, PDG de la Semmaris, qui gère le marché d'intérêt national (Min) de Rungis, aux portes de Paris. "L'embargo a cependant un impact indirect lié à la surproduction en Europe, qui pourrait entraîner une baisse des cours", poursuit-il. "On va être débordé de marchandises", s'inquiète ainsi Isabelle Dalsoglio, directrice du distributeur de fruits et légumes Perez Lemeunier. Elle se dit particulièrement préoccupée par les oranges, "dont une partie de la production était destinée à la Russie".
"Création de marchés de gros à Saint-Pétersbourg, Moscou et Nijni-Novgorod"
L'embargo imposé début août par Moscou en représailles à des sanctions économiques liées à la crise ukrainienne bloque également les viandes. David Guédon, producteur de foies gras, considère le sujet comme "gravissime" : "Tout se négocie aujourd'hui pour le marché russe. On vend nos foies gras à des industriels français qui les revendent ensuite en Russie. Eux sont impactés".
Touché plus directement, Lionel Couppey, directeur d'Algo Foods, a vu ses exportations de porc diminuer de 25 % en tonnage à cause de l'embargo en cours pour des raisons sanitaires depuis janvier 2014. "Aujourd'hui, ce sont le Brésil et la Chine qui vendent aux Russes". Diana Yesiltepe, exportatrice de fromages, craint "une baisse du chiffre d'affaires d'environ 10 %". Une solution pourrait consister à exporter des produits sans lactose, exclus de la liste des produits suspendus par les Russes.
L'importation de vins toujours autorisée
Patrice Moutonnet, directeur commercial du grossiste en épicerie fine Medelys, évoque un impact sur son activité "assez faible. La marchandise va de toute façon transiter d'Europe en Asie, puis en Russie", estime-t-il. Concernant ses ventes de vins et spiritueux, dont l'importation est toujours autorisée, "les Russes en sont trop amateurs pour mettre un embargo dessus", prédit-il.
Le patron du marché international qui préfère se montrer rassurant tient aussi à vérifier les effets économiques réels sur les grossistes de Rungis avant d'envisager d'éventuelles "mesures de soutien". Le marché de Rungis tente de s'exporter lui-même en Russie, par la création de marchés de gros à Saint-Pétersbourg, Moscou et Nijni-Novgorod, selon Stéphane Layani. Or, cette "coopération technique" n'est pas remise en cause par l'embargo, assure-t-il.