
© Franck André
Le programme Marco Polo, lancé en 2003 afin de favoriser le report modal du fret routier, a fait l'objet de très lourdes critiques de la part de la Cour des comptes de l'Union européenne (ECA). "Pour dire les choses simplement, les programmes étaient inefficaces dans la mesure où ils n'ont pas atteint leurs objectifs, n'ont eu qu'une incidence limitée sur le transfert" du fret routier, et où il n'existait pas de données permettant d'évaluer les objectifs de la politique, "comme par exemple, les avantages environnementaux", a expliqué le 16 juillet Ville Itälä, le membre de la Cour responsable du rapport. L'instance dresse un constat d'échec total pour le programme phare de l'UE sur la question du report modal – entre inutilité des projets, difficulté de souscrire au programme et autres effets d'aubaine– et préconise son abandon. Le programme Marco Polo a permis de financer quelque 200 projets depuis 2003. Pour la deuxième partie (2007-2013), qui a distribué 450 millions d'euros, Bruxelles se vante d'avoir reporté l'équivalent de 4 millions de camion vers les modes maritime et fluvial.
Objectifs manqués
Ce n'est pas l'avis de la Cour des comptes, qui ne note aucun report du trafic routier européen depuis l'année de lancement du programme. Ainsi, elle relève en 2003 une part modale de 46 % pour la route, 38 % pour le maritime, 11 % pour le ferroviaire et 3,5 % pour le fluvial. En 2010, elle constate au contraire un renforcement du routier (50 %) au détriment du maritime (33 %) et une stagnation pour les deux autres modes.
Objectifs manqués
Ce n'est pas l'avis de la Cour des comptes, qui ne note aucun report du trafic routier européen depuis l'année de lancement du programme. Ainsi, elle relève en 2003 une part modale de 46 % pour la route, 38 % pour le maritime, 11 % pour le ferroviaire et 3,5 % pour le fluvial. En 2010, elle constate au contraire un renforcement du routier (50 %) au détriment du maritime (33 %) et une stagnation pour les deux autres modes.
"Treize des seize bénéficiaires auraient lancé le service même en l'absence de subvention"
La comparaison entre les objectifs et les réalisations effectives ne plaide pas non plus en faveur du programme. Sur les 48 milliards de tonnes-kilomètres de report modal visés par la première phase de Marco Polo (de 2003 à 2006), seuls 22,08 md t-km ont été déclarés réalisés, soit 46 % des objectifs. Le tout pour un impact quasi nul, selon la Cour des comptes : "Le transfert modal obtenu dans le cadre de Marco Polo I n’a représenté que 0,3 % de l’ensemble du transport routier international de marchandises de l’UE, et 25 % de l’augmentation de ce dernier au cours de la même période". Sur l'ensemble du programme, le taux de réussite chute à moins de 28 %. Certes, de nombreux projets de Marco Polo II n'étaient pas achevés au moment de l'audit, mais la Cour juge "peu probable que ce programme ait une influence significative sur le transfert du trafic routier" au regard "des crédits disponibles et de l’utilisation limitée qui en est faite". Pour couronner le tout, la Cour des comptes a pointé de nombreuses erreurs et approximations s'agissant des chiffres du report modal, qui les rendent très peu fiables.
Financements à perte
Quant au caractère incitatif du programme, la Cour déplore le faible nombre de candidatures aux financements de Marco Polo. Pour la première phase du programme, seuls 41,8 millions d'euros ont ainsi été versés sur les 101,8 millions de crédits prévus, soit à peine 41 %. Fin 2012, Marco Polo II (2007-2013) n'avait distribué que 25 % de son budget de 450 millions. L'institution explique principalement ce phénomène par la lourdeur administrative liée au programme. La Cour des compte décrit un "processus de longue haleine, risqué, complexe et coûteux". Elle dénonce des délais d'attente trop longs, deux ans en moyenne, de la création du projet à la signature de la convention de subvention. Elle cite d'autres freins comme les investissements dans les infrastructures annexes, qui restent à la charge du demandeur ou encore des conditions à remplir trop compliquées au regard de la réalité des opérations, conduisant à un recours quasi systématique à des consultants qui renchérit le coût de la préparation des projets.
Plus grave encore, Marco Polo entraînerait dans la majorité des cas un effet d’aubaine – c’est-à-dire que les projets sélectionnés se seraient réalisés même sans le financement de l’UE. "De fait, treize des seize bénéficiaires audités ont confirmé qu'ils auraient lancé et assuré le service de transport même en l'absence de subvention", explique le rapport.
En conclusion, la Cour des comptes européenne se prononce pour une interruption du financement de l'UE pour les services de transport de fret "lorsque ce financement est conçu sur le même modèle que les programmes Marco Polo". Elle appelle de ses vœux ce qui pourrait être la future orientation de l'Union en la matière : "À l’avenir, le maintien d'un tel financement devrait être subordonné à la réalisation d’une évaluation d’impact au préalable montrant l’existence éventuelle d'une valeur ajoutée".