La France veut retrouver le goût du blé dur

Après une année catastrophique en 2014 qui a provoqué la panique chez les fabricants de pâtes, la France veut doubler sa production de blé dur d’ici dix ans. Un moyen aussi de préserver sa place sur le marché mondial.
Rien qu'en France sur les quatre dernières années, les surfaces dédiées au blé dur sont passées de 400.000 à 280.000 hectares et le phénomène est largement partagé, note Jean-François Gleizes, président du Comité de pilotage de la filière blé dur, qui invoque les prix et le "manque de visibilité" de ce marché. Alors que la consommation ne cessait de croître autour de la Méditerranée et en Afrique, sous forme de pâtes, de couscous et de semoules, le blé dur a perdu 45 % de ses emblavements en dix ans au sein de l'Union européenne et 66 % aux États-Unis depuis l'an 2000, selon les données diffusées par FranceAgriMer lors d'une colloque convoqué par l'Institut du végétal Arvalis. Même l'Italie est contrainte d'importer du blé dur pour fabriquer ses pâtes, pourtant tellement emblématiques.
Avec cette désaffection, à laquelle s'est ajouté le mauvais temps qui a frappé l'Ouest de l'UE l'an passé et le Canada, premier producteur/exportateur mondial, la cote d'alerte a été atteinte : "Au second semestre, on a connu une hausse des prix de + 50 %, à 447 euros la tonne en novembre contre 274 en juillet : des prix insoutenables pour l'industrie", remarque Jean-François Mas, directeur des achats pour Panzani. Pour corriger le tir, la France - dont la production est tombée à 1,4 million de tonnes en 2014, contre 2,3 millions quatre ans auparavant - veut renouer avec une production annuelle de 3 à 3,5 millions de tonnes d'ici 2025 annonce Jean-François Gleizes. Ce qui nécessitera selon lui un double soutien de la recherche et de l'Europe.

Le Mexique et la Méditerranée

Le premier pour travailler sur la diversité des variétés de blé dur, pour en améliorer les qualités, les rendements et la résistance. "On a des pathologies comme la mosaïque ou la fuzarioseméditerranéen qui n'ont toujours pas de réponse et c'est un élément discréditant" pour les producteurs, souligne-t-il. Quant à la part de Bruxelles, elle pourrait consister à rétablir une aide couplée au blé dur, "de l'ordre de 40 euros/ha autour du bassin méditerranéen" estime-t-il. Et aussi à introduire le blé dur dans les contraintes d'assolement édictées par la Politique agricole commune (PAC) pour laisser reposer les sols.
"C'est l'autre bataille à mener au niveau de Bruxelles", renchérit Jean-Philippe Everling, président de Durum, la société de négoce du blé dur. "Il faudrait considérer le blé dur comme une espèce à part", alors qu'il est comptabilisé avec le blé tendre et meunier dans les rotations. Avec 12.000 producteurs encore à l'œuvre sur le territoire français, les marges de progression sont serrées."On va augmenter la production de 12 à 13 %, ce ne sera pas encore suffisant", prédit-il. Car l'enjeu est aussi stratégique : le Mexique a pris, depuis trois ans, la place de deuxième exportateur mondial derrière le Canada (qui assure plus de 60 % des exportations mondiales à lui seul) et d'autres acteurs émergent, comme la Turquie (3 à 4 millions de t/an), la Russie et même l'Inde. Or, le bassin méditerranée est la première zone de consommation de blé dur, avec 8 millions de t/an (l'équivalent de la production européenne), relève Jean-Philippe Everling.
"C'est quand même dommage d'abandonner un marché traditionnel qui, par sa proximité et contrairement au Canada ou au Mexique, nous permet d'expédier de petits chargements, dans des délais très courts", insiste-t-il. "Même la Turquie qui a développé son outil industriel se met à exporter des pâtes vers l'Afrique et à augmenter ses importations" de blé dur pour répondre à la demande. "L'univers mondial du blé est en train de remodeler et l'Europe devient de plus en importatrice", reprend Jean-François Gleizes. "En France, si on laisse faire, bientôt la filière n'aura plus assez de consistance pour investir et l'industrie finira par délocaliser". L'an dernier Panzani a dû compléter ses approvisionnements (470.000 tonnes) par au moins 20 % d'importations selon les sites, confirme Jean-François Mas. "Et les bilans sont tellement tendus qu'on se demande où on va atterrir en fin de campagne", d'ici la prochaine récolte.

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