La forêt française en phase de réveil

Longtemps endormie, la filière bois française, pourtant adossée à la troisième forêt d'Europe, accuse le deuxième déficit commercial sectoriel de l'Hexagone qu'elle tente désormais de combler.
Exploitation forestière, meubles, parquet, construction... : l'industrie du bois pèse 60 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France, et emploie au total environ 450.000 personnes. Pourtant, le secteur pâtit d'un déficit commercial chronique d'environ 6 milliards d'euros. D'où son inscription sur la liste des 34 filières prioritaires de la "nouvelle France industrielle" dressée par le gouvernement. Et l'inclusion d'un volet "forêt" dans la future loi d'avenir pour l'agriculture, discutée actuellement au Parlement.
Problème majeur : l'exportation de bois brut vers l'étranger, puis le retour en France d'une partie de ce bois transformé en meubles et en parquets... à bien plus forte valeur ajoutée. Sur le banc des accusés, la Chine, touchée de plein fouet par la déforestation, et qui multiplie les achats de bois brut depuis quelques années. "L'année dernière, ça a pris des proportions dramatiques. Cela crée des tensions considérables sur le marché. Ce sont des exportations sans valeur ajoutée puisqu'on ne fait travailler ni la scierie ni l'industrie", explique Nicolas Douzain-Didier, secrétaire général de la Fédération nationale du bois (FNB). Ce phénomène ferait perdre entre 600 et 800 millions d'euros par an à la France. D'autant que la Chine s'est mise à acheter des résineux, plus utilisés dans la construction que les feuillus. En 2013, les achats de résineux par des acheteurs chinois ont doublé, avec 400.000 m3, contre 200.000 m3 en 2012. 350.000 m3 de feuillus ont également été achetés, un volume "en hausse de 5 % par an depuis dix ans", selon Nicolas Douzain-Didier.

Plantation d'arbres suspendue

Si les acquisitions chinoises ne représentent que 4 % de la production française de grumes (18 millions de m3), elles ont fait grimper de 15 % le prix du bois en un an, selon l'association professionnelle France Bois Industrie Entreprises. Un surcoût qui pose problème à certaines scieries françaises. "C'est choquant mais une industrie qui n'arrive pas à payer sa matière première est en général une industrie qui a un souci en termes d'investissement, de productivité technique, d'innovation, etc.", estime Jean-Yves Caullet, député PS, président du conseil d'administration de l'Office national des forêts (ONF) et auteur d'un rapport sur la forêt. Car le problème de la forêt ne vient pas seulement du "pillage" dénoncé par l'industrie, mais aussi de son manque d'adaptation à l'exploitation économique.
"Belle endormie", selon un connaisseur du secteur, la filière bois commence à peine à se réveiller. Un contrat de filière avec l'État doit être signé cet été pour dynamiser le secteur. Parmi les problèmes à résoudre, le caractère très morcelé de la forêt, détenue aux trois quarts par des propriétaires privés. Rares sont ceux qui l'exploitent. Difficile aussi d'accéder à certains massifs forestiers pour y couper le bois. "Il y a un problème d'accès à la ressource bois. C'est plus compliqué et plus cher que dans d'autres pays", souligne Paul-Antoine Lacour, délégué général de Copacel, l'organisation professionnelle de l'industrie papetière. "Le déficit vient de la pâte à papier et du meuble, pas de la Chine", explique Laurent Denormandie, président de l'interprofession France Bois Forêt. La France importe autant de pâte à papier qu'elle en produit, avec au final un déficit de près d'un milliard d'euros. Les importations de meubles en bois coûtent 3 milliards d'euros par an.
En fait, la forêt "ne produit pas suffisamment et pas ce dont on a besoin", comme des épicéas ou des mélèzes, car les deux tiers des arbres sont des feuillus, résume Serge Raison, président des exploitants forestiers et scieurs de Basse-Normandie. Les plantations d'arbres sont suspendues depuis 2002, date de l'arrêt du fonds forestier national, qui avait permis de planter des résineux dans l'après-guerre. Or, un arbre met plusieurs dizaines d'années à pousser. "Même si on se remet à planter maintenant, on ne peut pas combler ce creux de dix ans. Comment faire en attendant ?", s'interroge Jean-Yves Caullet, qui suggère que la France investisse dans des parcelles forestières à l'étranger.

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