La future taxe sur les billets d'avion va-t-elle plomber le trafic aérien ?

Le gouvernement a décidé mardi 9 juillet de mettre en place dès 2020 une "écocontribution" de 1,50 à 18 euros sur les vols au départ de la France. Si les compagnies fustigent une "écologie punitive", les associations environnementales y voient plutôt un rattrapage.
Pourquoi les acteurs du secteur sont-ils inquiets ?
Dès l'annonce de cette taxe, les acteurs du secteur ont rivalisé d'alarmisme. Compagnies "déjà asphyxiées par les taxes" (Syndicat des compagnies aériennes autonomes), "accroissement de la fiscalité spectaculaire" pour "un grand nombre d'aéroports régionaux" (Union des aéroports français), taxe "malavisée" (Association internationale du transport aérien), cédant "à la démagogie d'un mouvement de haine de l'avion" (Entreprises du voyage)...
"L'impact de la mesure sera très limité", assure Anne Lassman-Trappier, de l'ONG France Nature Environnement (FNE), en relevant ses nombreuses exemptions. Elle ne concerne que les vols décollant de France, pas ceux qui y arrivent, ni les correspondances, les liaisons d'aménagement du territoire ou les vols vers la Corse et l'Outre-Mer. "S'il y a des oppositions, c'est parce que c'est le premier pas en direction d'autre chose, et c'est ça que combattent les acteurs".

Fallait-il se limiter à l'échelle nationale ?
L'aviation est de plus en plus critiquée pour son impact sur l'environnement, certains appelant au boycott ou lui reprochant "des exonérations fiscales totalement inacceptables à l'heure du changement climatique et de la soif de justice fiscale des Français", rappelle Anne Lassman-Trappier.
En juin, il avait été question d'une taxe sur le kérosène, qui bénéficie d'une exonération de TICPE (taxe de consommation sur les produits énergétiques). Mais le sujet a été renvoyé par le gouvernement à l'échelle européenne.
Andrew Murphy, de l'ONG européenne Transport & Environnement, anticipe des délais de négociation très longs, préconisant plutôt "des coalitions d’États volontaires". "C'est aussi pour peser dans le débat européen qu’il nous a semblé important de donner un signal" avec cette taxe, a d'ailleurs plaidé la ministre des Transports, Élisabeth Borne.

La France est-elle la seule ?
"Nos voisins européens mettent des dispositifs de ce type" en place, a souligné Élisabeth Borne : "les Pays-Bas ont récemment annoncé qu'ils voulaient mettre une taxe de 6 euros sur les billets".
"En Allemagne, au Royaume-Uni, en Norvège, en Suède, des taxes sur les billets d'avion sont en place", abonde Andrew Murphy, qui cite également les États-Unis ou l'Australie.
D'ailleurs, "le taux de la taxe annoncée en France est incroyablement bas par rapport à d'autres pays voisins", glisse-t-il. L'équivalent allemand rapporte 1 milliard d'euros par an, et le "Air Passenger Duty" britannique 3,4 milliards d'euros, selon Transport & Environnement.

Qui va régler la facture ?
Si toutes les compagnies (quasiment 50 % du trafic aérien français est le fait de compagnies étrangères) devront s'acquitter de la taxe, "cette mesure serait extrêmement pénalisante pour Air France, dont 50 % de l'activité est réalisée au départ de l'Hexagone", plaide le groupe français, pour qui "cette taxe représenterait un surcoût de plus de 60 millions d'euros par an".
"Air France représentera à peu près 25 %" des 180 millions d'euros de recettes annuelles attendues, a de son côté pondéré Élisabeth Borne. "Comparé à la marge du groupe", ce surcoût serait en tout cas "important", observe Didier Bréchemier, analyste chez Roland Berger.
Quant à savoir si les usagers seront pénalisés par la mesure, "c'est aux compagnies de voir", affirme Andrew Murphy. "Les compagnies peuvent aussi décider d'absorber le coût supplémentaire sans le reporter sur le passager... Même si généralement, ce genre de taxes va effectivement peser sur le coût du billet d'avion".

Quid de la transition écologique du secteur ?
"Cette nouvelle taxe sur le transport aérien devrait financer des modes de transport concurrents, dont le transport routier, et non la transition énergétique dans le domaine aérien", regrette encore Air France. Le produit de ces contributions sera en effet affecté à l'Agence de financement des infrastructures de France (Afitf), pour des projets majoritairement ferroviaires et routiers.
Didier Bréchemier relève qu'il s'agira d'argent ne pouvant être investi pour "faire évoluer les flottes" vers des avions moins polluants. "Une aide au changement des aéronefs ou à l'accélération de la présence des véhicules électriques sur les aéroports aurait aussi du sens".
"Je n'ai pas de doute que le transport aérien veut aussi participer à la transition écologique", a estimé Élisabeth Borne. "On peut réfléchir aussi à une modulation des redevances et des taxes en tenant compte effectivement des efforts qui sont faits".

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