
© Éric Houri
Dans tous les ports français qui alimentent naturellement des bassins de consommation, les géants internationaux du ciment (Cemex, Holcim, Lafarge et Italcementi) ont historiquement pris position. À Saint-Vigor-d’Ymonville, près du Havre, c’est Lafarge qui, adossé à une carrière prolifique, produit 4.000 tonnes par jour destinées à l’axe séquanien. Mais depuis quelques années, ici ou là fleurissent des projets menés par des "outsiders" espérant troubler l’ordre établi. Leur credo : importer en masse par voie maritime du clinker "exotique", et donc bon marché, afin de le broyer bord à quai et minimiser ainsi les coûts de production, donc les prix de vente.
À chaque épisode jusqu’à maintenant, les grands groupes sont parvenus à museler, d’une façon ou d’une autre, les ambitions de ces trouble-fêtes. Mais début 2013, une "cimenterie nouvelle génération" baptisée Ciments Kercim (45 millions d’euros d’investissement) entrera en service à Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire. Cette brèche a été ouverte par Jean-Marc Domange, ancien directeur des ciments Calcia et ex-président du SFIC (Syndicat français des industries cimentières). Et Sem 21, sa société de développement, entend mener à bien un projet similaire au Havre.
À chaque épisode jusqu’à maintenant, les grands groupes sont parvenus à museler, d’une façon ou d’une autre, les ambitions de ces trouble-fêtes. Mais début 2013, une "cimenterie nouvelle génération" baptisée Ciments Kercim (45 millions d’euros d’investissement) entrera en service à Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire. Cette brèche a été ouverte par Jean-Marc Domange, ancien directeur des ciments Calcia et ex-président du SFIC (Syndicat français des industries cimentières). Et Sem 21, sa société de développement, entend mener à bien un projet similaire au Havre.
"Un modèle industriel original et innovant"
Sous le nom de Vracs de l’estuaire, ce projet, qui dispose de toutes les autorisations administratives nécessaires depuis près de deux ans, devait prendre place non loin du site Lafarge, sur la rive opposée du Grand Canal, au terminal Multivrac (MTV). Or, et ce n’est signé officiellement que depuis le 6 septembre, le GPMH, après de longs mois de tergiversations, a confié l’exploitation de MTV à une société dénommée Smeg associée à Liants Océane, autre entité fraîchement créée dans le Nord de la France et gérée par le cimentier belge Philiep Van Eeckhout.
Dans un communiqué il est vrai diffusé avec parcimonie, le GPMH confirme qu’à la clé de cette attribution, il espère un développement de ses trafics de vracs solides via notamment un investissement dans un broyeur de clinker annoncé à 25 millions d’euros. L’affaire se complique quand on sait que le GPMH vit depuis longtemps une relation tumultueuse avec Smeg, émaillée d’épisodes contentieux divers et lourds au plan financier. Ces litiges remontent à une période où, après appel d’offres européen, Smeg avait été retenu, entre 2002 et 2010 pour stocker sur le site MTV des farines animales. Pour corser le tout, le choix du GPMH en faveur de Smeg aurait conduit Vracs de l’estuaire à déposer devant le Tribunal administratif de Rouen une requête, également en cours, contre le port pour contester cette décision, tout en affirmant que son propre projet était toujours "actif".
Difficile donc d’y voir clair dans la stratégie du GPMH. En revanche, celle du groupe Lafarge est sans surprise et applicable à chacun de ses concurrents potentiels "low-cost". Elle consiste principalement en de discrètes actions de lobbying. Les principaux arguments déployés sont sans surprise : des menaces contre les emplois de ses salariés et l’irréalisme économique de tels projets, sans oublier la comparaison des volets environnementaux. Ces arguments, Jean-Marc Domange les réfute un à un, en évoquant un "modèle industriel original et innovant". Quant à Smeg et ses partenaires, qui ont déposé l’été dernier une demande de permis de construire pour des silos de stockage, leur politique de communication est claire : ne répondre à aucune sollicitation. Seule la faune des abords du Grand Canal pourra dire dans quelques mois qui sortira vainqueur de cette "guerre des trois" qui pourrait également s’achever en guerre de dupes.