
© Lohr
Faute d'accord avec Alstom, le groupe alsacien Lohr va vers le dépôt de bilan. L'industriel basé à Duppigheim (Bas-Rhin), à 20 kilomètres de Strasbourg, a été sévèrement touché par la crise et espérait obtenir une bouffée d'oxygène via la vente de sa filiale Translohr, unique fabricant au monde de tramways sur pneus. En avril, Alstom et le FSI, bras financier de l’État, avaient proposé d'acheter Translohr pour 60 millions d'euros. Mais ils ont transmis une offre largement inférieure, en arguant que la situation financière de Translohr leur était finalement apparue "beaucoup plus difficile qu'indiqué par son vendeur".
"Alstom et le FSI voulaient acheter plus et payer moins"
Vendredi, le PDG fondateur du groupe alsacien, Robert Lohr, a indiqué qu'il avait rejeté cette offre car Alstom et le FSI lui avaient proposé "35 millions d'euros, mais pour un périmètre supérieur à ce qui avait été évoqué en avril". "Ils voulaient acheter plus et payer moins, c'est le non-respect de la parole donnée", a-t-il fustigé. Cette offre, "insuffisante", "ne permettrait pas de pérenniser à court terme l'ensemble des activités du groupe Lohr", a précisé de son côté Jean-François Argence, de la direction générale de l'entreprise.
Sauf rebondissement de dernière minute dans les tractations entre Lohr et Alstom, le groupe alsacien devait donc déposer son bilan lundi 4 juin devant la chambre commerciale du tribunal de Strasbourg, qui devrait alors placer le groupe en redressement judiciaire. Une telle solution "permettrait de conserver l'activité de l'entreprise pendant au moins six mois, ce qui nous laisserait le temps d'examiner d'autres offres de reprise", avait expliqué jeudi 31 mai M. Argence.
Un pari risqué
Selon une source locale proche du dossier, ce choix est "un pari risqué pour Robert Lohr", car "le redressement judiciaire pourrait conduire à une revente des actifs à un prix inférieur à celui proposé par Alstom, voire à des délocalisations". En outre, la solution Alstom aurait garanti le maintien de l'activité en Alsace et aurait ouvert à Translohr des débouchés plus importants sur les marchés mondiaux, a souligné cette source. Robert Lohr, de son côté, a indiqué vendredi qu'il ferait "le maximum pour que Lohr survive". "Cette entreprise, c'est toute ma vie, c'est moi qui l'ai créée. Je ne pourrai probablement pas éviter un plan social et garder tous les emplois, mais mon objectif, c'est qu'il n'y ait pas de licenciements sauvages", a-t-il dit.
Les représentants des salariés ont fait part de leur inquiétude. "Si les tractations avec Alstom avaient abouti, ça nous aurait amené une bouffée d'oxygène, mais dans tous les cas on parle de 200 suppressions de postes, surtout dans la recherche et développement", a dit Yves Mattern, élu CFDT au comité d'entreprise. Après l'audience commerciale, les salariés se réuniront en intersyndicale pour "décider de manifestations", a-t-il ajouté. Ils comptent aussi interpeller le nouveau gouvernement sur l'avenir de leur entreprise. Selon M. Mattern, l'une des manières, pour les Pouvoirs publics, d'aider le groupe Lohr serait que la SNCF lui passe commande de wagons pour le ferroutage (Modalohr).
Entreprise familiale, Lohr Industrie fabrique notamment des remorques pour le transport d'automobiles par camions, mais cette activité historique souffre depuis plusieurs années d'une conjoncture atone, qui a conduit l'entreprise à supprimer une centaine d'emplois début 2009, puis 150 en mai 2010.