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Dans la note de synthèse consacrée au ro-ro et au ferry, l'Isemar, sous la plume d'Anne Gallais Bouchet et de Paul Tourret, dresse tout d'abord l'état des lieux des marchés régionaux. Sur le segment Angleterre-Irlande, le document constate la baisse qui a frappé le secteur du passager (dont le nombre s'élève à 12,9 millions) et une érosion du fret, passé de 2,7 millions d'unités de fret (UF, à savoir remorques, véhicules) de 2006 à 2,2 M en 2011. Le marché de l'Europe du Nord est évalué à 26 millions de passagers, en recul de 10 % entre 2007 et 2011. Pour ce qui concerne la Méditerranée, l'institut dénombre 4,4 M de passagers sur le marché corse, 24 M en Italie et 8,3 M dans les ports espagnols. "La France continentale représente 71 % des flux, l'Italie 24 % (en recul) et la Sardaigne 5 %", précise la note de synthèse, ajoutant que Toulon (avec 1,2 M de passagers) était en tête depuis 2007, mais que Marseille s'en est rapproché en 2011 avec un score d'un million, et que Nice reste autour de 800.000 à 900.000, selon les années. Le document estime que le trafic de Marseille avec l'Afrique du Nord s'élève à 500.000 passagers et 80.000 unités de fret (dont 80 % pour la Tunisie). Quant à Sète, il traite 170.000 passagers avec le Maroc. De manière globale, la concurrence reste redoutable en Europe dans un climat qui demeure morose, décrit l'Isemar.
"La concurrence en Europe reste vive"
Selon le document, les diverses autorités de la concurrence veillent à ce que la compétition reste de mise alors que des acteurs historiques disparaissent. En Scandinavie, la note de l'institut de Saint-Nazaire relève la présence de l'armement suédois Stena qui est également présent entre l'Allemagne et la Suède sous le nom de Scandline AB (détenue par un fonds anglais et par Allianz) sur un marché déjà occupé par TT-Line et Finnlines. Le projet du Fehmarn Belt, qui doit relier le Danemark à l'Allemagne, fait planer des incertitudes sur l'avenir de la compagnie. Autre acteur du secteur de la mer du Nord, DFDS, qui a élargi son rayon d'action aux pays baltes avec la reprise de Lisco en 2001. Les auteurs de la note rappellent l'entrée de Maersk dans son capital à hauteur de 31 %. Selon notre confrère "Le Marin", DFDS et Grimaldi seraient candidats à la reprise de la compagnie germano-danoise Scandlines, contrôlée par un fonds d'investissement et par Allianz. En Manche, l'étude mentionne que le marché, occupé par Brittany Ferries, s'est contracté et que la concurrence n'existe plus. Sur les îles anglo-normandes, c'est le britannique Condor Ferries qui est présent. En Finlande, les longues distances sont l'affaire de Transfennica (Spliethoff) dans le segment du fret et de Finnlines (Grimaldi) dans le secteur du passager. En Méditerranée occidentale, l'Isemar souligne la présence de l'italien Grimaldi Ferries en matière de passagers et Grimaldi Line dans le secteur du fret en Italie, en Tunisie et au Maroc ainsi qu'en Espagne. Selon les auteurs de la note, la stratégie est identique chez GNV (dont les actionnaires sont Marinvest et la famille Aponte). En Espagne, le marché domestique et celui du Maghreb sont occupés par Balearia et Acciona Trasmediterranea (dont la branche maritime serait à vendre). Au Maghreb, le marché du fret est occupé en Algérie par le groupe privé Cnan et ses filiales et le segment du passager par la compagnie publique Algérie Ferries. En Tunisie, c'est la compagnie publique CTN qui est aussi bien présente dans le fret que dans le passager. Elle exploite depuis juillet 2012 le très remarqué "Tanit", un navire d'une capacité de 3.200 passagers. Au Maroc, l'Isemar rappelle que c'est GNV qui a récupéré le contrat subventionné des liaisons avec Sète. Mais il se dit que l'armateur attend le renouvellement de l'autorisation de l’État marocain pour continuer à assurer la desserte.
Les armements publics dans la tourmente
Du côté italien, la note de synthèse relate tous les épisodes qui ont marqué la privatisation de Tirrenia avant sa vente à la CIN en juillet 2012. En France, sur le segment transmanche, l'Isemar rappelle les déboires de SeaFrance qui a abouti à la liquidation judiciaire de celle-ci et décrit les étapes de la création de My Ferry Link. Les armateurs qui desservent la Corse (la SNCM et la CMN à Marseille, et Corsica Ferries à Toulon) ont observé avec attention le vote le 5 octobre 2012 par l'Assemblée de Corse de la nouvelle DSP. Un texte qui privilégie Marseille au détriment de Toulon, écarte "les aides de service complémentaires" au cours des période de pointe et normalise les relations entre le continent et l'île avec des cargos mixtes. La question qui reste en suspens est de savoir si Veolia décide de céder la SNCM ou non. La note de synthèse de l'Isemar conclut : "SeaFrance, la SNCM et Tirrenia sont autant d'exemples qui illustrent les difficultés des armements publics dans le secteur du ro-ro et du ferry dans le contexte de concurrence et de crise".