
© Hapag-Lloyd
Commerzbank quitte le navire, les armateurs sont inquiets. "Cela aura de graves conséquences pour l'industrie maritime en Allemagne", a prédit Ralf Nagel, le président de la fédération allemande des armateurs (VDR). Deuxième exportateur mondial derrière la Chine, l'Allemagne dispose d'une flotte commerciale de plus de 3.700 navires et possède 34 % de la flotte mondiale de porte-conteneurs, ce qui la place au premier rang mondial dans ce segment, selon la fédération. Le secteur compte 90.000 emplois directs et son chiffre d'affaires a atteint 22,4 milliards d'euros en 2011, en hausse de 1,5 % sur un an.
"L'industrie maritime entre dans la catégorie des actifs à risque"
Mais ces chiffres sont trompeurs. Car la branche est fragile, exposée aux aléas de la conjoncture mondiale, à la hausse des prix du pétrole et à la piraterie et, à cause d'une crise de surcapacité, elle ne parvient pas à imposer au marché une hausse des tarifs. "La hausse du chiffre d'affaires ne permet pas de compenser les coûts et la faiblesse des prix", constate Claus Brandt, spécialiste du secteur maritime auprès du groupe d'expertise comptable PricewaterhouseCoopers (PwC). Selon une récente étude de M. Brandt, la majorité des armateurs allemands estime que leur situation économique va se dégrader prochainement, avec de nombreuses faillites à la clé, surtout parmi les plus petits d'entre eux.
Or, sur un total de quelque 380 armateurs en Allemagne, la moitié d'entre aux possèdent à peine un ou deux navires, selon M. Brandt. C'est "bien trop peu pour présenter des garanties suffisantes aux créanciers". L'accès au crédit bancaire se raréfie car les banques, contraintes de renforcer leurs fonds propres, réduisent leurs actifs à risque. Le shipping entre dans cette catégorie, en raison de ses perspectives incertaines, ses revenus volatils, ses besoins de financement sur le long terme et souvent en dollars qui plus est.
Commerzbank n'a pas justifié autrement sa décision mercredi 27 juin d'abandonner progressivement le financement maritime, dont son portefeuille était lourd de 21 milliards d'euros d'actifs fin 2011. Son retrait fait suite à celui de l'italien UniCredit en début d'année. Et la banque régionale allemande HSH Nordbank, leader mondial du financement maritime, a été enjointe l'an dernier par la Commission européenne de diviser par deux d'ici 2014 son activité dans le secteur, en échange d'aides publiques obtenues durant la crise financière.
Les banques chinoises, sauveteurs potentiels
Qui va combler le vide laissé par les banques européennes ? Les banques chinoises d'une part, par lesquelles "pourrait davantage passer le financement de nouveaux navires construits en Chine", estime M. Brandt. D'autre part, des fonds d'investissement s'intéressent au secteur, et des émissions obligataires peuvent aussi être une solution pour les grands armateurs, comme l'a prouvé en 2010 le numéro un allemand Hapag-Lloyd, qui a levé ainsi 700 millions de dollars, plus que prévu.
La fédération VDR réclame par ailleurs des aides publiques, par exemple pour soutenir les investissements pour rendre la flotte plus respectueuse de l'environnement et moins gourmande en pétrole. "Le gouvernement fédéral ne pas doit se contenter d'observer passivement l'industrie du transport maritime risquer d'être victime de la crise des banques", a plaidé Ralf Nagel, le président de la fédération. Mercredi, le gouvernement a encore jeté de l'huile sur le feu en proposant de diviser par deux l'an prochain l'aide fédérale pour le secteur, soit de 60 à 30 millions d'euros.