Les compagnies font face au choc pétrolier

Des coûts en carburant plus élevés qui renchériraient les prix des billets, décourageant certains voyageurs : c'est le scénario cauchemardesque auquel se préparent les compagnies aériennes en plein choc pétrolier, alors qu'elles n'avaient pas encore surmonté les effets du Covid-19.
L'invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné le prix des hydrocarbures vers des sommets historiques. Le kérosène s'échange actuellement à quelque 150 dollars le baril, en hausse d'environ 30 % sur un mois et de 100 % sur un an, selon l'indice de référence Platts de l'agence S&P.

"Les pressions haussières sur les prix vont continuer, surtout si le secteur énergétique russe subit des sanctions plus dures", affirmait lundi l'Association du transport aérien international (Iata). C'était avant que le président américain, Joe Biden, provoque un nouveau pic des cours en annonçant, le 8 mars, un embargo sur le pétrole russe.

"Toutes les compagnies qui ont une partie de leur consommation non couverte seront directement affectées", a prévenu l'Iata.
Des compagnies aériennes, dont les dépenses en carburant représentent entre 20 et 30 % des coûts en temps normal, se prémunissent en effet contre les évolutions brutales des cours en concluant des contrats leur assurant un prix fixe sur une partie de leur kérosène, ce qu'on appelle la "couverture" ou "hedging" en anglais. Par exemple, Air France-KLM a économisé en 2021 300 millions de dollars sur le carburant (soit 10 % de sa facture totale), car les cours sont montés pendant l'année.

Avant même la récente escalade du brut, le groupe franco-néerlandais escomptait 470 millions de dollars de coûts évités cette année, grâce notamment à une consommation déjà acquise à 72 % pour le premier trimestre, proportion déclinant toutefois jusqu'à 28 % au quatrième.

"On va plutôt retrouver les répercussions dans quelques mois, une fois que les compagnies aériennes auront été obligées d'utiliser les barils achetés avec les cours actuels", indique Paul Chiambaretto, professeur associé de stratégie et marketing à la Montpellier Business School et directeur de la Chaire Pégase, spécialiste du secteur aérien.

"Coup de frein au secteur"

De fait, "la pression va monter si les prix du kérosène restent élevés pendant le restant de l'année et en 2023, lorsque les couvertures se réduiront", a souligné Moody's, en évoquant le risque de voir les compagnies ne pas "être en mesure de revenir à leur rentabilité d'avant la pandémie" à cette échéance.

Pour l'agence de notation financière, les compagnies européennes sont couvertes à environ 50 % en 2022, et doivent s'attendre à une hausse de leurs dépenses de carburant de 20 à 25 % en moyenne. D'autres compagnies, notamment américaines, n'ont que très peu acheté de carburant à l'avance, selon elle. Cette crise survient à un moment où le secteur aérien tente toujours de surmonter les conséquences de la pandémie, dont un très fort endettement. La plupart des compagnies sont restées déficitaires en 2021.

Après avoir perdu les deux tiers de leurs passagers en 2020, elles comptaient remonter la pente cette année, espérant retrouver environ 70 % des voyageurs de 2019, selon les projections de l'Organisation de l'aviation civile internationale.
"Alors qu'on commençait à observer des signaux plutôt positifs en matière de reprise du trafic aérien", le choc pétrolier "génère un vrai coup de frein au secteur", constate Paul Chiambaretto.

Pour Moody's, les compagnies, même avec des couvertures de carburant pour 2022, "devraient augmenter le prix de leurs billets d'environ 5 % pour préserver leurs marges". "Et en période d'inflation déjà forte [...] ces hausses pourraient faire chuter la demande", a prévenu l'Iata.

"On va toujours garder un volant de prix abordables, mais on surveille évidemment les évolutions du cours du pétrole pour s'ajuster si effectivement l'impact devenait trop fort pour nous", remarque de son côté Nathalie Stubler, directrice générale de Transavia France.

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