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Comme l'an dernier, Marseille a accueilli en octobre le forum des professionnels portuaires méditerranéens, dont c'était la seconde édition, organisée par l'Union maritime pour la Méditerranée (UMM). Les débats ont souvent tourné autour des questions de fluidité des échanges maritimes et des formalités douanières. Ainsi, l'enjeu et les attentes des professionnels présents durant deux journées peuvent être résumés en une phrase de Richard Arditti, président du Syndicat des transitaires de Marseille-Fos (STM) lors d'une table ronde sur la construction d'un réseau de transitaires en Méditerranée : "Il faut envisager le port comme un passage et non comme un barrage. Un passage qui doit permettre la fluidité et la réduction des coûts".
"Envisager le port comme un moyen de réduire les coûts"
Pour y parvenir, deux facteurs sont ressortis comme essentiels, un bon outil informatique commun et une collaboration étroite avec l'administration des Douanes. Richard Arditti a ainsi vanté la qualité du rapport entre les professionnels de son organisation et les services de l'État, avec laquelle commissionnaires de transport et commissionnaires en douane de la place se réunissent régulièrement. Il a aussi exhorté ses homologues algériens, marocains et tunisiens à avoir "la même attitude proactive" avec leurs autorités "pour créer cette plate-forme d'échange intra-méditerranéenne". "98 % des marchandises débarquées à Marseille ne subissent aucun contrôle physique. Nos moyens informatiques et nos relations avec les Douanes permettent de contrôler le fret en permanence, même a posteriori. Rien n'échappe à l'administration", a-t-il expliqué. Cette organisation accélère considérablement le passage portuaire. Alors que le temps moyen de dédouanement des marchandises destinées au marché local tunisien atteint sept jours, il est de six minutes à Marseille.
Relation de confiance avec les Douanes
Le président d'honneur du syndicat des transitaires algériens était d'accord pour dire que "l'administration douanière est le maillon le plus important dans la fluidification des échanges" et que l'outil informatique est indispensable à l'amélioration de son efficacité. Nabgha Salem, président de la Chambre syndicale des transitaires tunisiens, ne dit pas autre chose : "C'est la confiance entre les douanes et les différents acteurs qui permet d'accélérer les flux".
Pourtant, chacun se heurte à des obstacles internes qui peuvent prendre la forme d'une instabilité organisationnelle ou législatives ou encore de lourdeurs administratives, avec un trop grand nombre de formalités. Malgré la bonne volonté des transitaires, "pierre angulaire de toutes les professions portuaires", selon le président de l'association des transitaires marocains Mustapha Fatemi, les freins découlent aussi de choix politiques ou simplement dictés par la réalité des flux des pays. Comme l'a rappelé Patrice Vernet, directeur régional des Douanes et droits indirects, chaque État voit midi à sa porte et définit ses propres priorités en matière douanière. Cela n'empêche pas des échanges fréquents entre les services français et leurs homologues algériens, marocains et tunisiens.
Les transitaires consolident leurs liens
Si les pays de l'UE bénéficient de réglementations et de contraintes identiques et des procédures intégrées, c'est loin d'être le cas entre les rives Nord et Sud de la Méditerranée. Dans l'espoir d'accélérer la réponse des différentes instances nationales, les transitaires de Marseille, d'Algérie, du Maroc et de Tunisie ont signé un protocole visant à intensifier leurs échanges et à prendre des positions communes afin d'améliorer la fluidité du passage portuaire, notamment en favorisant le développement d'un système informatique. Le lendemain, les sociétés de services informatique française MGI et tunisienne TTN ont d'ailleurs consolidé leur partenariat (lire en page suivante).
Mais au-delà de cette fluidité portuaire, il est apparu au cours des débats que l'un des enjeux majeurs pour la région sera de se doter d'une économie propre pour ne plus être dépendante de flux volatils. L'Agence d'urbanisme de l'agglomération marseillaise (Agam) a souligné que 75 % des marchandises qui passent par la mer Méditerranée ne font qu'y transiter. Ainsi, pour Richard Arditti, "il s'agit pour la Méditerranée de se prendre en charge et de créer sa propre zone d'échanges". De ne plus compter sur les flux venus d'Asie alors qu'on évoque de plus en plus l'ouverture de la voie Nord, dans l'océan Arctique.