Les velléités protectionnistes américaines inquiètent l'aéronautique

Rendre leur "grandeur" aux États-Unis en fabriquant sur place : le leitmotiv du président américain satisfait sa base électorale, mais inquiète un secteur aéronautique dont la chaîne d'approvisionnement complexe dépend du libre-échange.
Le Salon international de l'aéronautique du Bourget, près de Paris, s'est ouvert un mois après que l'administration républicaine a lancé le processus de renégociation de l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna), dénoncé par Donald Trump comme contraire aux intérêts de son pays, mais qui a depuis vingt ans favorisé le développement de l'industrie aéronautique au Canada et au Mexique.
Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a déjà prévenu : "Sur le dossier de l'aéronautique, nous défendrons toujours les entreprises canadiennes et les travailleurs canadiens", une fermeté qu'on retrouve au Bourget chez Brad Duguid, ministre du Développement économique et de la croissance de la province canadienne de l'Ontario. Les responsables de Washington doivent "savoir clairement que, si le président Trump veut parvenir à son but de rendre leur grandeur aux États-Unis, cela aura l'effet exactement opposé s'il prend des mesures qui affectent ses importantes relations commerciales avec le Canada et l'Ontario", explique Brad Duguid. Le ministre pense bien sûr aux intérêts de sa province, dont 80 % des exportations partent vers les États-Unis, dont des composants d'avions. "Vous auriez du mal à trouver un train d'atterrissage dans le monde qui n'aurait pas de pièces venues de l'Ontario", dit-il. Mais il avance aussi que "9 millions d'emplois américains dépendent d'une relation commerciale sans entraves entre le Canada et les États-Unis".

"Le secteur de l'aérospatiale est vraiment mondialisé"

Exprimée de manière plus feutrée, l'inquiétude n'en reste pas moins palpable chez les industriels américains eux-mêmes, comme Remy Nathan, vice-président pour les affaires internationales de la puissante Association américaine des industries aérospatiales (AIA), qui fédère 341 entreprises. "Notre organisation croit en un commerce libre et équitable", déclare-t-il. "Le secteur de l'aérospatiale et de la défense est vraiment mondialisé, ce qui nous permet de recourir à des fournisseurs dans le monde entier pour apporter à nos clients la meilleure technologie au meilleur prix". "Il y a certains sujets dans les domaines de politique internationale ou intérieure qui rendraient notre secteur plus compétitif, mais la réponse à cela est pour nous de bonnes politiques publiques, et non de saper les relations existantes (...) avec nos partenaires internationaux", ajoute-t-il.
L'Aléna a dopé la croissance des industries aérospatiales canadienne et mexicaine et incité les entreprises américaines à investir : le Mexique, l'une des cibles favorites de Donald Trump, a ainsi attiré grâce à sa main-d'œuvre moins chère près de 800 millions de dollars d'investissements directs américains dans ce secteur ces quinze dernières années, selon une étude du cabinet PwC, parmi lesquels de nombreux fabricants de pièces essentielles (turbines, câblages, sièges...) "Le point qu'on regardera, c'est la relation entre les États-Unis et le Mexique. On a une base importante. C'est un sujet d'attention pour nous", a indiqué jeudi 22 juin au Bourget Olivier Andriès, patron de Safran Aircraft Engines.
"Les discussions sur le "fabriqué aux États-Unis" inquiètent l'AIA à cause des conséquences imprévues sur la base des fournisseurs" si des barrières douanières devaient être à nouveau érigées, remarque Robin Lineberger, responsable mondial du secteur aéronautique au sein du cabinet de consultants Deloitte. "Dans le secteur, nous produisons des pièces qui doivent être certifiées pour des raisons de sécurité", souligne-t-il. Rapatrier une ligne de production aéronautique aux États-Unis serait donc "bien plus long que pour une usine classique".
Les industriels s'interrogent aussi sur la capacité de Donald Trump à traduire en actes sa rhétorique enflammée et parfois contradictoire. "Il existe une inquiétude sur ce que les politiques publiques vont donner en fin de compte, car il en existe plusieurs versions", résume Robin Lineberger. "Dans le monde entier, les affaires prospèrent sur la prévisibilité. S'il y a certitude et stabilité dans le processus politique, budgétaire, réglementaire et financier, tout cela soutient en fin de compte le secteur", concède Remy Nathan. La semaine dernière, Lockheed Martin a annoncé que son avion de combat F-16 serait bientôt produit en Inde, y compris pour l'exportation. En prenant néanmoins soin de préciser que ce contrat "soutenait des milliers d'emplois de Lockheed Martin et de fournisseurs aux États-Unis".

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