Les victimes du "Probo Koala" réclament toujours réparation


Fonds détournés, usurpations, dédommagements jugés insuffisants, rôle controversé de l'État ivoirien... À Abidjan, des milliers de victimes des déchets toxiques du "Probo Koala", déversés en 2006, attendent toujours d'être indemnisées et certaines reportent désormais leurs espoirs sur une plainte déposée aux Pays-Bas.


L'UVDTAB a assigné Trafigura devant la justice néerlandaise © Trafigura
L'UVDTAB a assigné Trafigura devant la justice néerlandaise © Trafigura
Le vraquier "Probo Koala", affrété par la société de courtage pétrolier suisso-néerlandaise Trafigura, était arrivé le 19 août 2006 au port d'Abidjan pour y faire traiter ses résidus de nettoyage des cales. Mais plus de 500 m3 de déchets avaient finalement été déversés à divers endroits de la ville par une société ivoirienne, Tommy, dont le directeur a ensuite été condamné à vingt ans de prison et incarcéré.
Selon la justice ivoirienne, les déchets ont fait dix-sept morts et des dizaines de milliers d'intoxications. Mais la société Trafigura a toujours démenti, rapports d'experts à l'appui, que les déchets du "Probo Koala" aient pu causer décès et maladies graves. Elle n'a en outre jamais été condamnée pour le déversement, au grand dam de la société civile. Les poursuites contre l'entreprise suisso-néerlandaise ont été abandonnées en vertu d'accords signés en 2007 en Côte d'Ivoire et 2009 au Royaume-Uni, qui prévoyaient au total quelque 185 millions d'euros d'indemnisations. Un montant censé suffire à dédommager des dizaines de milliers de victimes mais dénoncé par celles-ci comme "dérisoire" étant donné le nombre de personnes touchées.
"On avait prévenu qu'il ne fallait pas signer ces accords avec Trafigura, c'est trop peu", soupire Willy Neth, secrétaire général de la Ligue ivoirienne des droits de l'Homme, selon lequel une partie de l'argent n'est d'ailleurs jamais parvenue à qui de droit. Trafigura a d'abord versé au gouvernement ivoirien quelque 152 millions d'euros, dont un quart seulement était destiné à 95.000 victimes recensées par l'État, qui s'est taillé la part du lion, selon une répartition publiée en 2007 par la présidence. "Les critères de recensements étaient inappropriés, moins de la moitié des vraies victimes ont été recensées", affirme Willy Neth.
Selon un rapport d'Amnesty International et Greenpeace publié en 2012, le doute subsiste en outre sur le nombre de victimes recensées ayant perçu cet argent car, selon ces deux ONG, l'État a interrompu le versement en 2009 en raison d'accusations sur des usurpations d'identité. Plusieurs sources humanitaires évoquent en effet des voyous ayant flairé un potentiel jackpot : des associations de victimes ayant gonflé le nombre de leurs membres ou des usurpations d'identité, parfois avec l'aide de la police. "C'était parfois grotesque, quelqu'un faisait un paludisme et venait dire qu'il avait été contaminé", se souvient une source médicale. "Certains sont passés entre les mailles du filet".
En 2009, Trafigura a ensuite versé quelque 33 millions d'euros supplémentaires, destinés à 30.000 bénéficiaires. Mais 7 millions ont été escamotés par quatre personnes disant agir au nom d'un groupe de victimes : elles ont été condamnées le 13 janvier dernier à Abidjan à vingt ans de prison - sans toutefois être incarcérées car la peine n'a pas été assortie d'un mandat de dépôt. "Des milliers de victimes bien réelles risquent de ne jamais toucher d'indemnisation", regrette Drissa Traoré, vice-président de la Fédération internationale des droits de l'Homme.

Dépollution inachevée

Une fondation aux Pays-Bas représentant 110.000 personnes, l'UVDTAB, n'a pourtant pas abandonné tout espoir : elle a assigné Trafigura devant la justice néerlandaise en février dans l'espoir d'obtenir réparation. Les avocats réclament 2.500 euros par plaignant, soit près de 280 millions d'euros au total, ainsi que la dépollution de certains sites concernés à Abidjan, qu'ils jugent inachevée. Ce collectif dit vouloir agir différemment d'autres associations décriées et assure avoir vérifié, documents médicaux à l'appui, "que les récits des victimes tenaient la route", selon son secrétaire général, Assane Diané.

Nicolas Delaunay

Mercredi 22 Avril 2015



Lu 465 fois



Dans la même rubrique :
< >

     

Entreprises | Infrastructures | Institutions | Transport multimodal | Transport maritime | Transport aérien | Transport routier | Transport fluvial | Transport ferroviaire | Transport express - Messagerie | Logistique - Supply Chain | Énergie | Matières premières - Négoce | Industrie | Services | International | Développement durable | Faits divers





Accès rapide




































 

Qu'est-ce que L'Antenne ?

Le site internet de L'Antenne est la première plateforme B2B française de services et d’actualité consacrée au secteur du transport et de la logistique. Quotidiennement nous traitons de l’actualité du fret maritime, aérien, routier, fluvial, ferroviaire et multimodal ainsi que de la logistique, de l'industrie, de l'énergie et des matières premières. Nous apportons aux professionnels des outils et services qui facilitent leur travail et aident à la prise de décisions. Chaque année, nous éditons des guides de référence dans le secteur : "Le Fret aérien pratique" et "Le Fret maritime pratique" en plus de notre guide pratique des Incoterms©. L'Antenne est aussi organisateur de salons sur les thématiques du transport multimodal de fret, de l’export et de la logistique.

Mentions ours

Design réalisé par Caroline BALDINI.

Plan du site

Syndication

L'Antenne est édité par SPI (SARL au capital de 1.000 euros)
R.C.S. 823 175 435. ISSN : 0395-8582
CPPAP : 0319T79480
Dépôt légal à parution
Associés : Info6tm (99 %) et Raisin blanc (1 %)
Siège social : SPI - Immeuble Valmy B - 137, quai de Valmy - 75010 Paris
Tél.  : 04.91.33.25.81 - Fax : 04.91.55.58.97
Site internet : www.lantenne.com   
Directeur de la publication : François Grandidier
Directrice générale : Raphaëlle Franklin
Publicité : Frank Revenaz (directeur commercial) 04.91.13.71.60
Philippe Scremin (commercial Paris/Normandie) 06.21.88.97.42
Abonnements : 01.40.05.23.15 – abonnements@info6tm.com    
Annonces maritimes : 04.91.33.83.02
Petites annonces : 04.91.13.71.60
Rédaction (redaction@lantenne.com) :
Vincent Calabrèse (rédacteur en chef) v.calabrese@lantenne.com,
Franck André f.andre@lantenne.com 
Graphisme : Pixel Images jm.tappert@groupe-atc.com
Imprimerie : Socosprint - 36, route des Archettes, 88000 Épinal