Maghreb Solutions : "Le Maroc est le dragon du Maghreb"

L'organisateur de transport Maghreb Solutions travaille depuis près de quinze ans sur le Maroc et la Tunisie. Il observe des évolutions très distinctes entre les deux pays et regrette le manque de fiabilité des liaisons maritimes avec la France.
Maghreb Solutions se redresse. La société créée en 2004 sous la coupe du groupe Mory, avant de passer sous pavillon marocain en 2010, a connu d'importantes difficultés entre 2012 et 2015 supportant mal les conséquences de deux événements, un "débauchage massif" et le Printemps arabe. Fondateur et actionnaire, Jean-Philippe Di Guardo a repris la fonction de directeur général délégué fin 2015, après trois ans de recul, et a entrepris de relancer l'entreprise, passant notamment par un plan social. Entre-temps, son effectif est passé de 70 à 50 personnes et son chiffre d'affaires de 25 à 18 millions, "avec un résultat positif à six chiffres après deux exercices très déficitaires", se félicite le dirigeant.
L'organisateur de transport, groupeur, logisticien et transporteur, qui se définit "plus comme intégrateur qu'opérateur" avec un parc de 200 remorques, possède six agences à Vitrolles (son siège), Bordeaux, La Roche-sur-Yon, Paris, Lyon et Besançon, toutes disposant d'un entrepôt.

Maghreb Solutions est spécialisé dans les opérations avec deux pays : le Maroc et la Tunisie. L'entreprise est présente en propre dans le premier (Maghreb Solutions Logistics) et bénéficie de partenariats dans le second.
La société s'attache désormais à rattraper le temps perdu. Elle utilise son hub de Marseille pour ses transports à dominante maritime depuis et vers la Tunisie et celui de Bordeaux pour le Maroc. La situation de la préfecture de la Gironde permet de rallier Algésiras (environ 1.300 km) par la route avec un seul équipage pour embarquer les remorques en direction de Tanger et inversement.

Des trajectoires opposées

En 2016, Maghreb Solutions a convoyé près de 4.000 remorques sur sa liaison tunisienne et 2.500 sur son service marocain. La société a principalement deux types de trafics. D'une part, ceux de clients industriels ayant délocalisé leur production, qui ont l'avantage de générer du trafic dans les deux sens. D'autre part, les biens de consommation sont à sens unique, du nord vers le sud.
Elle est bien placée pour savoir que les deux pays ont suivi des trajectoires bien différentes ces dernières années. "Avant le Printemps arabe, la croissance des volumes entre Marseille et Radès était continue, environ 5 % par an, se souvient Jean-Philippe Di Guardo. Il y avait des investissements qui offraient de nouveaux marchés". Entre-temps, la Révolution et ses blocages politiques et administratifs, la crise économique et la dévaluation du dinar sont passées par là. "Depuis deux ans, les flux ont cessé de chuter mais ils stagnent". Pour autant, il ne perçoit pas de signe de reprise d'un "marché dégradé" malgré "la volonté des Tunisiens d'aller de l'avant".
Au Maroc, la situation est à l'opposé : "Ce marché s'est considérablement développé grâce à Tanger Med qui est un levier extraordinaire pour le pays, estime le directeur général délégué. Il faut voir la Tanger Free Zone près de l'aéroport, c'est une véritable Silicon Valley. Le Maroc est devenu le dragon du Maghreb". Pour lui, ce pays a également bénéficié des atermoiements de la Tunisie depuis six ans. Si la répartition du trafic de Maghreb Solutions penche toujours du côté de la Tunisie, c'est que le marché marocain est "beaucoup plus concurrentiel, avec de nombreux transporteurs routiers espagnols", explique son directeur.

Des liaisons maritimes compliquées

Celui-ci justifie cette position préférentielle également par le fait d'avoir été "historiquement partenaire" avec CMA CGM. "Mais la donne a changé, les nouvelles dispositions de CMA CGM et DFDS nous inquiètent", lâche-t-il. Les deux armateurs coopèrent et alignent chacun un navire entre Marseille et la Tunisie, tandis que la compagnie publique tunisienne CTN en propose deux.
Maghreb Solutions déplore la "décision unilatérale" de DFDS, de remplacer le roulier "Ark Futura" par un navire bien plus petit, le "Botnia Seaways". "La logique des opérateurs est de réduire les capacités pour faire remonter les taux afin de ne pas être le prochain Hanjin, mais cela a aussi des conséquences sur l'économie tunisienne", regrette Jean-Philippe Di Guardo. Et de se demander pourquoi les armateurs affrètent des ro-ro à prix d'or au lieu de les acheter s'ils veulent vraiment s'inscrire sur la durée : "A-t-on affaire à des opportunistes ?" Las de cette situation, il lance un appel, "qu'un armateur mette un ou deux navires sur la Tunisie sur la durée".

La place pour une liaison Tanger-Marseille

Côté Maroc, la route semble tenir pour longtemps la corde face à la voie maritime. Jean-Philippe Di Guardo déplore ainsi le manque de fiabilité de la ligne ro-ro existante entre Marseille et Casablanca proposée par CMA CGM depuis le rachat de la Comanav, qui "se meurt", selon lui. "On ne peut pas appeler ça un service. Le bateau est un musée. Dès qu'il y a du vent, il est en difficulté et l'armateur semble plus préoccupé par les conteneurs et le matériel agricole que par les remorques".
Quant à l'hypothèse d'une ligne maritime Tanger-Marseille, il la considère comme "une grande fumisterie", constatant que les chargeurs réclament des garanties sur les fréquences et les armateurs sur les volumes, ce qu'aucun ne peut donner à l'autre.
Pourtant, "la demi-journée d'attente pour formalités à Casablanca comparée aux deux heures à Tanger" et la durée des contrôles à Algésiras, "qui n'est équipé que d'un seul scanner", justifierait qu'on s'y penche, selon le responsable, conscient aussi des problématiques du transport routier en termes d'usure matérielle, d'accidents et de pollution. Pour lui, le service idéal alignerait "un navire fiable ayant une vitesse de croisière de 18 à 19 nœuds à prix comparable" en prenant en compte le coût du trajet, le passage du détroit, l'usure des remorques et tous les à-côtés.
Reste un dernier écueil, selon Maghreb Solutions, la présence sur ses marchés de concurrents éphémères imposant une guerre des prix : "Certains sont dans une logique de chiffre d'affaires, d'autres de parts de marché, on voit beaucoup de ventes à perte". Ces offres déconnectées des réalités du terrain et "qui méconnaissent les frais annexes" font pour Jean-Philippe Di Guardo qu'"il n'y a plus de prix du marché".
Malgré les contrariétés, Maghreb Solutions prévoit de réaliser une bonne année 2017 et de renouer avec son chiffre d'affaires de 2012, en comptant sur son savoir-faire et sa "bonne réputation auprès des clients".

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