Norbert Dentressangle et ses routiers des pays de l'Est devant la justice

Six cadres du transporteur Norbert Dentressangle auxquels la justice reproche d'avoir abusivement utilisé des filiales de pays de l'Est et du Portugal pour faire travailler plus de 1.000 chauffeurs étrangers à moindre coût, comparaissent à Valence.
Le transporteur Norbert Dentressangle et ses routiers des pays de l'Est comparaissent devant la justice à partir de mercredi 4 mars. Avec trois sociétés du groupe, ils sont poursuivis devant le tribunal correctionnel pour "délit de marchandage", "prêt de main-d'œuvre illicite" et "travail dissimulé". La CFTC, dont une plainte en 2011 est pour partie à l'origine de l'affaire, assimile ces pratiques à de la "sous-traitance low-cost" et du "dumping social". Le géant du transport basé dans la Drôme s'en défend en invoquant le respect de la réglementation européenne et son souci de compétitivité dans un secteur - le transport international de marchandises - où le pavillon français a été laminé par la concurrence de l'Est.
"Est-ce que Norbert Dentressangle a le droit de se développer en Europe de l'Est ? On ne pose pas cette question aux constructeurs automobiles", s'est ému le président du directoire, Hervé Montjotin. "C'est une épreuve pour l'entreprise et les managers impliqués. Elle va nous renforcer." Hasard du calendrier, le procès est programmé moins de trois semaines après l'adoption, dans le projet de loi Macron, d'un amendement prévoyant que les chauffeurs étrangers travaillant dans l'Hexagone soient payés au Smic "pour lutter contre la concurrence sociale déloyale". Problématique qui sera la toile de fond des trois jours d'audience.

Concurrence entre salariés

Chez Norbert Dentressangle, le chef de file de la CFTC "maison", Pascal Gourment, dénonce une mise en concurrence entre salariés français et chauffeurs polonais, roumains et portugais, au sein même de l'entreprise. "On délocalise les gens d'un endroit de l'Europe pour les faire travailler dans un autre avec des salaires nettement inférieurs", dénonce le syndicaliste dont les critiques avaient trouvé un écho dans un rapport parlementaire d'Éric Bocquet (PCF) en avril 2014.
Pascal Gourment, comme ce sénateur, déplorent une utilisation dévoyée du principe dit du cabotage de marchandises qui donne la possibilité à un transporteur européen de livrer, dans le cadre d'une desserte internationale, des marchandises entre deux villes d'un État membre où il n’est pas établi. En acheminant par bus des chauffeurs de ses filiales polonaise et roumaine, pour une prise de service dans ses bases françaises, Norbert Dentressangle "semble surexploiter sa dimension européenne et interpréter de façon erronée la réglementation communautaire", écrivait Éric Bocquet dans son rapport. Mais davantage que cette pratique, ce sont les modalités permettant sa mise en œuvre qui sont dans le collimateur de la justice.

Fausse sous-traitance

En renvoyant six cadres du groupe et trois sociétés pour "marchandage", délit apparu dans le droit français au milieu du XIXe siècle, le parquet de Valence, aux commandes d'une enquête de près de trois ans, a considéré qu'ils avaient mis en place une sous-traitance fictive avec trois filiales implantées en Roumanie, Pologne et au Portugal. "Ce n'est pas le procès de la sous-traitance mais de la fausse sous-traitance", relève Me George Meyer, avocat de la CFTC qui s'est constituée partie civile. "On faisait sous-traiter des activités de transport par des sociétés du groupe. Or c'était le donneur d'ordre qui assumait l'organisation et la répartition du travail des sous-traitants. C'est de la fausse sous-traitance au détriment des salariés français", explique l'avocat dont la thèse est battue en brèche par le groupe.
"La chaîne de commandement est bien dans les pays d'origine. Ce sont des vraies sociétés, structurées", souffle-t-on chez Dentressangle où Hervé Montjotin met en avant l'impérieuse nécessité de se développer en Europe de l'Est via ses filiales "pour rester un acteur du transport international" et "créer, année après année, de l'emploi en France". Le procès qui s'annonce comme le prélude d'une longue bataille judiciaire, devrait débuter sur une passe d'armes procédurale, la défense plaidant la nullité. Les prévenus encourent jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende pour les personnes physiques ; jusqu'à 225.000 euros pour les personnes morales.

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