Pollution des navires : des contrôles pour traquer les risques

Dans la soute du porte-conteneurs chinois "OOCL Europe", Ronan Plu passe son index sur un tuyau relié à une cuve de fuel : chaque semaine, il passe au crible plusieurs navires étrangers pour détecter d'éventuelles sources de pollution. "Ce navire n'avait pas été contrôlé en Europe depuis plus d'un an, c'était une obligation de le visiter lors de cette escale à Fos-sur-Mer", explique cet inspecteur de la sécurité des navires au sein de la Direction interrégionale de la mer Méditerranée (Dirm). "Depuis la catastrophe de l''Erika', en 1999, le contrôle des navires étrangers a été renforcé dans les ports français, avec un objectif environnemental", explique son chef, Stéphan Rousseau.
L'"OOCL Europe" mesure 300 mètres de long et "possède autant de combustible qu'un petit pétrolier". En cas de collision ou de choc, la pollution serait massive. C'est le scénario qui s'est produit au large de la Corse en octobre, quand un navire tunisien a heurté de plein fouet un porte-conteneurs chypriote.
Pour éviter tout incident polluant, à bord des petits yachts comme des énormes paquebots, les inspecteurs traquent les détails. "Un navire sale, qui suinte, c'est souvent mauvais signe pour le reste de la visite", juge Ronan Plu. Sur ce navire chinois, le personnel est souriant, les tuyauteries rutilantes et les machines à risque de fuite enrobées de chiffons blancs. Ils s'intéressent aussi au traitement des eaux de ballast, utilisées pour stabiliser le navire, et des eaux usées. "Il faut se rendre compte qu'un paquebot rejette l'équivalent de plus d'une piscine olympique d'eaux usées par jour", rapporte Ronan Plu.

"C'est un navire qui pollue, mais en toute légalité"

Les inspecteurs s'attardent surtout sur les émissions de pollution de l'air des navires, responsables de 60.000 décès prématurés par an en Europe. Ils commencent par éplucher des dizaines de documents réglementaires, que le commandant chinois leur remet, regroupés dans d'épais classeurs. Parmi eux : les factures de carburant, qui indiquent sa teneur en soufre. Les navires utilisent du fuel très lourd, dégageant jusqu'à 3,5 % de soufre (contre 0,001 % pour les voitures).
Un an plus tôt, lors d'un contrôle de routine à bord d'un paquebot, l'"Azura", Ronan Plu avait été "scotché", selon ses mots. Le commandant lui avait présenté une facture pour du fuel à 1,75 % de soufre, alors que la limite fixée pour les navires à passagers, en Méditerranée, est à 1,5 %. Pour la première fois en France, un commandant avait été renvoyé devant un tribunal correctionnel pour cette infraction et avait été condamné en novembre à 100.000 euros d'amende - dont 80.000 à la charge de sa société, Carnival. Selon une étude de l’ONG Transport&Environment, la compagnie américaine Carnival, leader mondial de la croisière de luxe, a émis à elle seule en 2017 dix fois plus d’oxyde de soufre (SOx) autour des côtes européennes que l’ensemble des 260 millions de véhicules du parc européen.
L'"OOCL Europe", qui ne transporte pas de passagers, est soumis à une réglementation plus souple, à 3,5 % de soufre en mer. Il est en règle : "c'est un navire qui pollue, mais en toute légalité", constate Ronan Plu en désignant la facture : du fuel à 0,1 % à quai et à 2,58 % en mer. En 2018, le Centre de sécurité des navires de Paca-Corse n'a relevé que sept dépassements de taux maximal de soufre organisé, sur plus de 400 contrôles. "La plupart des navires se conforment, le hic c'est que certains qui datent des années 70 naviguent encore", explique Ronan Plu.
Des vieux paquebots dont le moteur émet d'énormes quantités de NOx (oxydes d'azote) sans être soumis à la réglementation Marpol, qui s'applique uniquement aux navires construits après 1990. Les nouveaux moteurs émettent beaucoup moins de NOx, mais le renouvellement est lent. Quant au soufre, "il y aura un progrès énorme au 1er janvier 2020", souligne Bruno Célerier, adjoint au directeur de la Dirm : les émissions de soufre seront plafonnées à 0,5 % en mer dans le monde entier. Les navires qui transitent en Méditerranée continueront quand même d'émettre cinq fois plus de soufre que ceux qui passent par la Manche ou la mer du Nord, où le seuil est fixé à 0,1 % depuis le 1er janvier 2015.

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