Stéphane Raison : "Nous nous préparons à un changement d’échelle"

Stéphane Raison : "Nous nous préparons à un changement d’échelle"
Investissements massifs, création d’un écosystème industriel, développement du transport massifié, transition énergétique : un an après sa création, Haropa Port veut changer de dimension. Stéphane Raison, directeur général et président du directoire du Grand Port fluvio-maritime de l'axe Seine, explique en quoi.

Quelle sont les répercussions de le guerre en Ukraine sur l'activité des ports de l’axe Seine ?
Toute perturbation dans les trafics maritimes a un impact sur les ports, mais nous sommes peu tournés vers la Russie et avons donc été peu directement affectés pour le conteneur, les hubs de transbordement vers ce pays se trouvant plutôt dans le Nord de l'Europe.

La fermeture des ports de la mer Noire a entraîné un changement dans les destinations à l’export des céréales depuis Rouen : les céréaliers français se sont adaptés à la demande. La Chine et l’Asie restent notre principale destination mais nous constatons le retour des pays africains.

Autre effet, positif celui-là : le gouvernement français a souhaité renforcer l'approvisionnement en gaz naturel liquéfié. Pour compléter les installations de Marseille, Nantes et Dunkerque, il a choisi le port du Havre pour un nouveau terminal méthanier flottant. Il s’agira de l’accueillir quai de Bougainville, près du terminal roulier, ainsi qu’une unité de regazéification et de stockage flottante (FSRU). Cette installation nous apportera des trafics complémentaires mais aussi un point de soutage au cas où les armateurs souhaitent faire de l’avitaillement GNL sur les porte-conteneurs, comme nous le faisons déjà pour les paquebots.

"Passer d'une vision de territoire à une vision de corridor"

La nouvelle structure Haropa Port pouvait être considérée, il y a un an, comme un OPNI, un "objet portuaire non identifié". Pensez-vous qu’elle soit devenue aujourd’hui un OPI, "objet portuaire identifié" ?
Haropa Port est un tout jeune établissement et une transformation industrielle pour attirer des trafics ne se réalise pas en un an. Mais les organisations se sont renforcées, les places portuaires de l’axe Seine travaillent ensemble et se coordonnent sur les projets industriels et le développement des lignes. Des missions transversales au niveau de l’axe ont été confiées à chaque directeur général délégué pour traiter de la transition écologique, de la transition numérique, de la multimodalité.

L’élément majeur de la réussite de ce port fluvio-maritime est le changement de vision, qui consiste à passer de celle de territoire, sur une échelle réduite, à celle de corridor. Mais le portuaire, comme tous les métiers d’infrastructures, est une affaire de petits pas, qui s’inscrit dans une logique du long terme. Et la construction d’ouvrages prend moins de temps que la maturation de la décision publique, la phase d’acceptabilité et les processus administratifs.


Ce n’est donc pas qu’une question de moyens…
Certes non, mais il reste que la coordination entre les investissements publics et privés est exceptionnelle. Un investissement de 1,4 milliard d’euros d’ici 2027 a été annoncé lors du Comité interministériel de la mer de 2021, et TIL qui gère l’activité des terminaux de MSC a dévoilé, en juillet dernier, un investissement de 700 millions d’euros, avec notamment le doublement à 20 du nombre de portiques, voulant passer de 1,5 à 4,5 millions d’EVP traités à moyen terme. Je n'ai pas vu de projet de cette envergure en France depuis quarante ans.

Cela ne peut que renforcer le rôle du port du Havre en tant que porte d’entrée du Nord-Ouest de l’Europe, qui bénéficie déjà d’un avantage géographique exceptionnel, étant le premier port à l’import et le dernier à l’export sur le range Nord. Nous entrons dans une nouvelle dimension et changeons d’échelle, avec la perspective d’entrer dans le Top 30 mondial du conteneur.

Mais le report modal sur l’axe Seine n’atteint pas les 30 % alors qu’il est de 50 % dans les ports du Nord…
La route est longue, le chantier extrêmement important, mais nous constatons de premiers bons résultats avec une progression de plus de 30 % du trafic fluvial. Il y a une vraie prise de conscience des chargeurs, transitaires et armateurs de l’intérêt du fluvial et la vision de corridor est une idée qui avance. CMA CGM a supprimé, depuis avril, les surcoûts de manutention pour le chargement des conteneurs maritimes sur les barges, les THC (Terminal Handling Charges). Nous allons de notre côté agrandir l’offre avec la chatière, l’accès fluvial direct sur Port 2000, maximiser l’usage des plates-formes situées sur la Seine, et l’extension du terminal de Gennevilliers est programmée.

Pour le ferroviaire, les services et rotations complémentaires se multiplient, des subventions sont proposées aux opérateurs et une nouvelle opération d’amélioration des terminaux de Port 2000 et de réfection des voies ferrées est en cours de préparation. Elle devrait être validée prochainement par le Conseil de surveillance.

"Transformer un modèle fonctionnant depuis l’après-guerre sur le pétrole"

Où en êtes-vous de la création d’un écosystème industriel ?
Il avance. Le cluster agro-industriel de Rouen va se densifier avec le projet d’implantation d’une méga sucrerie du groupe Al Khaleej Sugar (AKS) qui va valoriser une ancienne plateforme industrielle de 75 hectares située près de Grand-Couronne. Au Havre, quatre appels à projets viennent d’être lancés. Un pour des terrains industriels et logistiques de 5 à 12 hectares, un autre sur le terrain de l’ancien site Lafarge, soit une vingtaine d’hectares sur le site du Grand Canal, un autre à l'ouest, sur l'A29 et prochainement pour 4 hectares sur le terminal multivrac sur la rive Sud du Grand Canal et 40 hectares sur le terminal Asie-Osaka.

Nous travaillons aussi sur les grands appels à manifestation d’intérêts nationaux comme celui qui a été lancé cet été par l'Ademe, sur un site industriel de plus de 300 hectares pour la construction de la "giga factory" et le développement d’écosystèmes territoriaux hydrogène.

La transition énergétique est l’un des piliers du plan stratégique 2020-2025…
Le chantier est d’une ampleur exceptionnelle. On nous demande de transformer un modèle de transport qui fonctionne depuis l’après-guerre sur le pétrole et avec le camion. La transition carbone doit se faire sur le plan industriel et sur le plan du transport, ce qui n’est pas, là aussi, un chantier de court terme.

Notre ambition est bien de créer un écosystème vertueux à l'échelle de l'axe Seine. Ainsi, nous travaillons sur la captation de CO2, avec les industriels tels qu’Air Liquide, Borealis, Exxon, TotalEnergies et Yara avec l'objectif de récupérer, d'ici à 2040, 7 des 9 millions de tonnes de CO2 industriel produites. La mise en place de tels systèmes permettrait de concentrer le gaz, le liquéfier, puis le séquestrer dans d'anciens gisements de pétrole.

Plusieurs projets sont également en cours autour de la production d'un hydrogène décarboné. De la même façon, nous travaillons aussi, pour la gestion des navires, sur la constitution d’une chaîne numérique avec le projet d’extension de notre Port Community Système (PCS) implanté dans les deux ports maritimes, à connecter avec le système d’informations fluviales.

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