Jean-Marc Roué, les « combats » de sa nouvelle mandature

Le président du conseil de surveillance de Brittany Ferries reste à la barre d’Armateurs de France pour une année de plus. Son mandat de président a été renouvelé le 9 avril à l’occasion de l’assemblée générale d’Armateurs de France, qui a précédé la seconde édition du Shipping day. Les priorités de la 3e mandature.

Jamais deux sans trois. Les Armateurs de France ont élu pour la 3e fois consécutive Jean-Marc Roué à la présidence de l'instance professionnelle représentant 50 entreprises, 22 000 emplois directs et une flotte de 1 000 navires marchands sur les 60 000 en circulation. 

« Notre première grande réussite aura été en 2017 comme en 2018, de maintenir nos exonérations de charges lors des deux derniers exercices budgétaires, a décidé de retenir Jean-Marc Roué dans un discours prononcé en amont de la soirée dans un cadre de prestige, le Pavillon Gabriel, récemment rénové. Ces exonérations, nous les avions obtenues en 2016 dans le cadre de la loi Leroy pour l’Économie bleue. C’était le combat mené avec succès par mon prédécesseur, Gildas Maire. Elles ont failli disparaître. Aujourd’hui, ce sont près de 9 000 emplois sur 300 navires qui bénéficient de ces exonérations. À l’échelle européenne, elles nous sont nécessaires pour lutter à armes pas trop inégales ». Le maintien, acquis dans le projet de loi de finances 2018, a été confirmé par Bruxelles en fin d'année dernière. 

Lobbying intense

Alors que le Shipping day, qui se tenait pour la seconde fois, avait pour thème les enjeux environnementaux du shipping (ou comment se conformer aux nouvelles exigences de l'OMI pour lutter contre le réchauffement climatique), Jean-Marc Roué rappelle que l'État français (avec ses armateurs) fait partie des membres les plus actifs au sein de l'instance internationale de réglementation pour aller plus loin et plus vite sur la question de l'empreinte environnementale de l'activité maritime. Non sans rappeler qu'elle est en soi responsable de 3 % des émissions mondiales de CO2 (en l'occurrence, des données datant de 2012).

À cet effet, l'organisation professionnelle soutient ardemment une mesure peu coûteuse, « efficace à court terme » (elle aurait selon les ingénieurs la même efficacité que les carburants alternatifs mais avec l'avantage d'être à effet immédiat) et éprouvée jusqu'à présent pour servir d'autres causes (surcapacité ou hausse du baril de brent) : la régulation de la vitesse « constitue une mesure très efficace pour plafonner les émissions des navires. La vitesse a un impact fort sur la consommation : un pétrolier réduisant par exemple sa vitesse de 12 à 11 nœuds réduit sa consommation de 18 % et de 30% à 10 nœuds », indique le président renouvelé d'Armateurs de France, en clin d'oeil à son « ami Philippe Louis-Dreyfus », pour lequel l'optimisation de la vitesse est un combat de plusieurs années soutenu dans toutes les instances professionnelles par lesquelles il est passé (Bimco, ECSA). 

Besoin d'une aide à l'investissement

La mesure doit être présentée lors de la prochaine session de négociations de l’Organisation maritime internationale en mai à Londres, au cours de laquelle les États membres doivent échanger sur les actions pour concrétiser la stratégie arrêtée en 2018 de réduction des gaz à effet de serre d'au moins 40 % (p/r à 2008) en 2030. 

Le président d'Armateurs de France, qui plaide pour une politique volontariste et ambitieuse afin de faciliter le renouvellement de la flotte dans le sens de son « verdissement », appelle aussi de ses voeux la « création d’un modèle vertueux d’aides à l’investissement », tels « l’instauration d’un fonds dédié au financement maritime ou un mécanisme de garantie sélective des crédits de financement », dont il entend faire un des « combats » de sa nouvelle mandature.

« Si nous voulons répondre efficacement aux enjeux environnementaux, nous devons donc envisager une accélération de nos investissements dans les années à venir. C’était l’objet des travaux qu’Armateurs de France a mené avec le Conseil supérieur de la Marine marchande depuis deux ans déjà. Nous avons présenté en octobre dernier ces conclusions à la ministre des Transports, Élisabeth Borne. Il faut que l’État ouvre aux armateurs ces clefs essentielles d’investissement que sont la BPI, la COFACE et la Caisse des dépôts ».

Amendement vert

À cet effet, le député des Bouches-du-Rhône Saïd Ahamada a présenté l'an dernier un amendement à la loi des Finances visant à soutenir les investissements dits verts des armateurs, Armateurs de France tenant le crayon en partie. Le texte a été adopté en décembre par l'Assemblée nationale  mais doit encore validé par la Commission européenne au titre des aides d'État.

Le dispositif de suramortissement, qui permet donc aux entreprises de déduire du résultat imposable une partie de l’investissement, s'inscrit toutefois selon de strictes modalités : il ne concerne que les contrats de construction conclus entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021. Il prévoit un taux d’amortissement différencié selon le degré d’innovation des navires neufs : le taux de suramortissement s’élève ainsi à 30 % pour les navires utilisant des propulsions décarbonées (hydrogène, électrique, vélique) comme combustion principale, et à 25 % pour les navires utilisant GNL aux mêmes fins. Par ailleurs, un taux de 20 % est prévu pour l’installation d’épurateurs de fumées « dernière génération » sur des navires existants. Le même taux est en outre autorisé pour l’acquisition de biens destinés à l’alimentation électrique durant l’escale.

Mais seuls les navires sous pavillon européen, dont les ports français représentent au minimum 30 % des escales ou dont la durée de navigation dans la zone économique exclusive française représente plus de 30 % du temps de navigation, y auront accès. La mesure vise donc uniquement la flottille portuaire et les navires à passagers opérant à titre principal dans les eaux nationales.

Rester mobilisés

Quid de la flotte marchande opérant à l'international ? « Voir son bénéfice étendu est un motif supplémentaire pour rester mobilisés en 2019 », signifiera Jean-Marc Roué au cours des débats qui ont animé le Shipping day le même jour.

« Comment imaginer, demain, une France qui se retrouverait dans l'incapacité de s’approvisionner en énergies ou en matières premières vitales ? Cette question, je la pose un peu brutalement pour en souligner le caractère crucial, mais elle doit bien sûr faire l’objet d'une analyse fine », posait dans son discours le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, qui a ouvert la seconde édition du Shipping Day. Flotte stratégique, répond Jean-Marc Roué. Les armateurs attendent toujours une concrétisation de cet outil, reconnaître le caractère stratégique de la flotte marchande, pourtant inscrit dans la loi (Économie bleue, 2016). Depuis deux ans, la composition et les conditions de mise en oeuvre de cette initiative, qui doit servir d'étançon à un veritable stratégie de filière, ne sont toujours pas ficelées. 

« Pour maintenir et renouveler la flotte stratégique, l’État devrait en effet mettre en place un dispositif de garantie publique - ou de financement spécifique - afin de favoriser les projets de renouvellement ou de modernisation de cette flotte. Le gouvernement pourrait mettre en œuvre une politique renforcée de formation des marins et des sédentaires dédiés à la flotte stratégique afin de conserver et de développer les effectifs sur tous les niveaux de compétences », rappelait dans son discours le président d'Armateurs de France. Un autre raison de rester moblisés aussi, sans doute.

Adeline Descamps

* Le bureau est inchangé : Président suppléant : Marc Etcheberry (Geogas Maritime SAS) ;  Président sortant : Gildas Maire (Louis Dreyfus Armateurs) ; Trésorier : Fernand Bozzoni (Socatra)

 

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