MSC bascule à son tour et opte pour le GNL

Le deuxième armateur mondial de porte-conteneurs semble à son tour convaincu que le GNL est un « pari pragmatique » pour tendre vers la décarbonation. Mais avec un risque mesuré et maîtrisé. Il a conclu des contrats d'affrètement à long terme pour onze navires de 15 300 EVP prêts pour le GNL avec Eastern Pacific Shipping. MSC rejoint ainsi dans cette voie CMA CGM, Hapag-Lloyd et ZIM.

Le plus trublion des carburants sur lequel un consensus ne parvient pas à se faire y compris sur le seul fait de lui accorder un statut de transition, continue d’alimenter les débats dans la perspective de la décarbonation. Les échéances de l’agenda climatique approchent : le transport maritime est sommé de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 50 % (par rapport à 2008) d'ici à 2050, et de se décarboner totalement dès que possible. 

Le gaz naturel liquéfié (GNL) divise clairement les armateurs de porte-conteneurs en deux camps. Il y a ceux qui ont opté pour le pragmatisme, considérant que le GNL ne répond que faiblement à la problématique du CO2 mais élimine quasi totalement les émissions de SOx, NOx et des particules fines (dans le viseur de la réglementation IMO 2020 en vigueur). Et este la seule alternative éprouvée sur le plan opérationnel, commercialement viable et qui peut être mise à l'échelle dès à présent. Le carburant est disponible tandis que les infrastructures de soutage se développent qui pourront de surcroît être utilisées pour des alternatives à long terme et sans carbone comme le méthane synthétique liquéfié (MSL) et le méthane de biosynthèse liquéfié (MBL).

Dans le camp opposé, il y a ceux qui préfèrent miser sur des carburants de rupture radicale tels l’hydrogène, l’ammoniac voire le méthanol, qui ne sont pas disponibles et qui nécessiteront au préalable de lever de nombreux verrous technologiques et réglementaires. 

À coudées franches ou à pas de loup

L’armateur français CMA CGM a été le premier au niveau mondial à faire confiance au GNL et presque sans mesure. Sa dernière commande est encore tout fraîche. Il compte actuellement 44 unités au GNL (commandées et livrées) sur une flotte de 560 navires.

Le mimétisme chez les armateurs, qui fonctionne en principe assez bien, n’a pas œuvré sur ce plan. Les adeptes restent rares. Et si, après avoir longtemps hésité, Hapag-Lloyd a franchi le rubicond, c’est avec un risque mesuré – six navires et en dual fuel option GNL – alors que ZIM a opté pour dix unités mais en affrètement auprès de Seaspan et également en motorisation hybride.  

Toutefois, il y a une accélération ces derniers mois dans les vraquiers. Les navires de croisière y ont adhéré plutôt plus vite que les navires marchands.   

Fuite de méthane qui nuit à son profil 

Le GNL ne fait pas consensus et récemment, la Banque mondiale a franchi un cap dans le rejet. Le bailleur de fonds international a recommandé aux États de cesser de financer des infrastructures de soutage de GNL, imputant la fuite de méthane qui peut se produire à n'importe quel point de la chaîne d'approvisionnement. Cette possibilité suffit pour introduire le doute sur la capacité du combustible à réduire les GES quand bien même la combustion en aval est significativement améliorée.

Les émissions de GES du méthane seraient 25 fois supérieures à celles du CO2. In fine, selon les chercheurs, l'utilisation du GNL ne permettrait au mieux qu’une réduction de 8 % des émissions de GES et au pis, une augmentation de 9 %. 

Affrètements, option évitant le risque d’actifs échoués pour les exploitants

C’est dans ce contexte que tombe l’information révélée par Alphaliner, le consultant spécialiste de l’activité régulière selon laquelle MSC a conclu un accord d'affrètement avec Eastern Pacific Shipping (EPS) pour onze navires de 15 300 EVP à propulsion GNL. Le deuxième armateur mondial de porte-conteneurs a confirmé.  

Les engagements d'affrètement déclencheront, ou ont déjà déclenché, la conversion d'au moins six options qu’EPS avait exercées auprès du constructeur sud-coréen Hyundai. Ces six coques viendront s'ajouter aux cinq qu'EPS avait déjà commandés en décembre de l'année dernière, sans affréteur connu. Jusqu’à présent, on avait plutôt tendance à les allouer à CMA CGM (cf. tableau plus bas). Le propriétaire singapourien de flotte fournira au total au transporteur français seize panamax dont huit ont déjà été livrés dans le cadre de contrats d'affrètement. 

Frénésie d’achats

MSC, dirigée depuis quelques mois par Søren Toft (ancien directeur d’exploitation de Maersk), a toutefois le goût du risque mesuré : il s’agit de 11 navires (sur une flotte de 570) d’affrètements et d’une motorisation « LNG ready ».  

En contraste, la compagnie italo-suisse est gagnée depuis quelques mois par une fièvre consumériste. L’entreprise a acquis depuis la fin de l’année dernière 45 navires d’occasion alors qu’elle est déjà la première cliente mondiale des chantiers navals avec 16,9 % de sa capacité en exploitation en commandes et 35 grands navires, soit près de 660 000 EVP dans le pipeline. Mais si on intègre les commandes non connues, MSC disposerait d’une capacité de 900 000 EVP, relève par ailleurs Alphaliner dans une de ses dernières publications hebdomadaires. 

« MSC s'est engagé à investir dans un avenir durable et, bien que la voie de la décarbonation du transport maritime ne soit pas encore clairement définie et qu'aucun nouveau carburant ne soit disponible à l'échelle mondiale pour être déployé sur notre flotte, cet affrètement devrait nous aider à améliorer les performances en matière d'émissions de CO2, à tirer d'autres enseignements précieux et à garder nos options ouvertes. MSC continue d'envisager une gamme de solutions de carburants sur la voie d'un avenir sans carbone », a indiqué la compagnie.  

Sans stratégie de décarbonation fixe

Il y aurait à ce jour encore 40 % d’armateurs sans stratégie de décarbonation définie. Selon Gibson Shipbrokers, il y a actuellement 157 navires au GNL, dont 27 contrats ont été signés durant le premier trimestre. Ce qui équivaut à 26,7 % du carnet de commande mondial. L’adhésion avait été plutôt lente jusqu’alors : 169 sont en service et 145 en retrofit « LNG ready ».   

Adeline Descamps

 

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