Relève d'équipage : la nouvelle problématique du vaccin

La crise de la relève d’équipage n’est toujours pas réglée puisque, 200 000 marins étant encore bloqués en mer en mars. Ils étaient toutefois 400 000 en septembre dernier. Les passeports vaccinaux envisagés par certains États comme condition préalable à l'entrée dans leurs ports tandis que d’autres exigent un vaccin ne figurant pas sur la liste de l’OMS dressent de nouveaux obstacles.

Depuis septembre, le nombre de marins en mer en attente d'un rapatriement après la fin de leurs contrats a diminué, passant de 400 000 à 200 000 en mars, selon une analyse menée par le secteur du transport maritime. Si la situation est plus « facile à gérer », la crise est loin d’être terminée, préviennent les organisations maritimes, en raison de la réintroduction de contrôles plus stricts aux frontières et de restrictions de voyage imposés par les gouvernements en réponse à l’émergence de nouveaux variants.  

Pour les représentants professionnels du secteur, le vaccin est la clé et pour cela, les marins doivent être considérés comme des travailleurs prioritaires afin qu'ils puissent transiter et voyager en toute sécurité. Cela fait un an que la profession le demande à cors et à cris, luttant contre l’entre-soi des gouvernements. 

« La dure réalité est que seule une poignée de pays ont traité les marins avec le respect qu'ils méritent en leur accordant un véritable statut de travailleurs clés. Si les gouvernements ne sortent pas des positions protectionnistes dans lesquelles ils se trouvent depuis plus de 12 mois, et ne permettent pas aux marins de circuler librement et d'être prioritaires pour les vaccinations, la situation pourrait facilement devenir incontrôlable une fois de plus », alerte Stephen Cotton, secrétaire général de la Fédération internationale des ouvriers du transport. 

Les marins considérés comme travailleurs clés dans 55 pay

En fin d’année, in extremis, les organisations professionnelles avaient obtenu l'adoption, par l'Assemblée générale des Nations Unies, d'une résolution appelant à la désignation – sans délais – des gens de mer comme travailleurs clés et à la mise en œuvre des mesures pour leur permettre de transiter librement et ainsi, pour ceux bloqués en mer, d'être rapatriés. Pour d'autres, de les remplacer leur garantir l'accès à des soins médicaux. La décision était historique mais elle a tardé alors que, selon l'Organisation internationale du travail (OIT), les gouvernements étaient en défaut par rapport au droit international en vertu de la Convention du travail maritime de 2006.

Or, jusqu'à présent, seuls 55 pays et deux membres associés de l'OMI y ont souscrit. « Davantage de pays doivent agir si nous voulons résoudre cette crise. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que les relèves d'équipages reviennent à la normale », indique le secrétaire général de l’OMI, Kitack Lim, qui demande instamment aux gouvernements de donner la priorité aux gens de mer dans leurs programmes nationaux de vaccination. « Nous devons élaborer des protocoles et des orientations sur les certificats de vaccination. Cela est particulièrement important puisque les obstacles aux déplacements entraînés par les protocoles nationaux de vaccination pourraient compliquer davantage une situation déjà difficile ». 

Preuve de vaccination, une bombe à retardement 

Les passeports vaccinaux envisagés par certains États constituent en effet un nouvel obstacle au changement d'équipage car les marins des pays en développement n'auront probablement pas l'occasion de se faire vacciner avant juillet, au plus tôt. Rares sont encore les pays à avoir inscrit les gens de mer dans leurs campagnes de vaccination prioritaires : la Russie, les Philippines, Singapour, où plus de 18 000 membres du personnel maritime avaient reçu les deux doses de Covid-19 selon des données arrêtées la semaine dernière. Le gouvernement britannique s’est pour sa part engagé à ne pas imposer de quarantaines aux gens de mer entrant dans le pays, contrairement au quidam astreint à une dizaine de jour d’isolement. 

Les compagnies maritimes sont dans une « position intenable car la preuve de la vaccination des marins constitue un champ de mines juridique », avertit pour sa part l’ICS, représentant les associations nationales d'armateurs et d’exploitants de tous les secteurs du transport maritime (80 % de la flotte marchande mondiale).

50 vaccins à des stades différents de test et d'approbation

« Les armateurs pourraient être contraints d'annuler des voyages si l'équipage n'est pas vacciné. Environ 900 000 marins sont originaires de pays en développement où les vaccins ne seront peut-être pas disponibles avant 2024. Les compagnies maritimes sont prises entre le marteau et l'enclume car certains gouvernements exigent une preuve de vaccination comme condition préalable à l'entrée dans leurs ports voire que les marins soient vaccinés avec des vaccins qui ne figurent pas sur la liste de l'OMS », alerte l’organisation professionnelle.   

En 2021, à peu près 90 % des habitants de 67 pays à faible revenu auraient peu de chances d'être vaccinés. Il existe actuellement plus de 50 vaccins, chacun à des stades différents de test et d'approbation, et seuls certains d'entre eux ont été reconnus par l'OMS. 

Risques juridiques et financiers 

Pour l’ICS, la situation déjà complexe porte de nouveaux risques à la fois juridiques et financiers. « Les retards dans les ports causés par des équipages non vaccinés entraîneraient des responsabilités juridiques et des coûts pour les propriétaires qui ne pourraient pas être récupérés auprès des affréteurs. En outre, les armateurs, qui tenteraient de modifier les contrats existants ou de demander aux équipages de recevoir un vaccin spécifique demandé par un port, pourraient s'exposer à des poursuites judiciaires. »  

La chambre maritime internationale estime la situation d’autant plus regrettable que le transport maritime est appelé cette année à prendre le relais du fret aérien pour la distribution de vaccins et des systèmes de réfrigération au second semestre dans le cadre d'une campagne qui devrait durer quatre ans.  

Sprint de vaccination

« Le secteur du transport maritime doit trouver des solutions créatives au problème, indique Bud Darr, vice-président de la politique maritime et des affaires gouvernementales chez MSC Group, cité dans un communiqué. À court terme, cela signifie faire vacciner les marins dans leur pays quand il existe des programmes établis et des stocks suffisants de vaccins. À long terme, il s'agit d'explorer l'idée de partenariats public-privé. Il pourrait même être possible, lorsque les besoins initiaux auront été satisfaits au niveau national, que les fabricants fournissent les vaccins directement aux armateurs qui les distribueront ou les administreront à ces travailleurs clés. » 

L’ICS étudie de son côté la faisabilité de l’implantation des centres de vaccination dans les principaux ports internationaux, sur une suggestion du gouvernement chypriote. « Beaucoup pensent que nous sommes dans un sprint de vaccination. La réalité est que nous sommes au début d'un ultra-marathon, et les gens de mer seront essentiels pour franchir la ligne d'arrivée », soutient Guy Platten. 

Les gens de mer, eux, ont déjà beaucoup « donné ». Ils ont subi des quarantaines, des suspensions de vols et des restrictions sanitaires pour assurer l'approvisionnement du monde en biens dits essentiels. Ils vont désormais devoir se battre avec les protocoles vaccinaux. « Nous travaillerons en vue de tirer des leçons de ces événements afin d'être mieux préparés à l'avenir », soutient Kitack Lim. Les voilà rassurés.  

Adeline Descamps

 

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