"Nous voulons aujourd’hui être pragmatiques, a déclaré le directeur général du Grand Port maritime du Havre (GPMH), Hervé Martel, lors d’une conférence de presse tenue ce 23 février. Tous les acteurs sont mobilisés et nous nous donnons un an pour trouver «la solution». «La solution» consisterait à faire tourner une infrastructure flambant neuve destinée à développer les trafics massifiés ferroviaires et fluviaux, et d’en trouver l’équilibre économique. Le terminal devait démarrer en janvier 2015. Depuis, il n’a guère fonctionné, la société exploitante Le Havre Terminal Exploitation (LHTE) a déposé le bilan et les partenaires privés viennent de se retirer de la société d’investissement Le Havre Terminal Trimodal (LH2T), propriétaire de l’équipement. Paradoxalement, cette nouvelle donne, pour critique qu’elle soit, permet d’éclaircir la situation : le GPMH, qui détenait 49 % des parts de LH2T, devient de facto le seul propriétaire du terminal. C’est la meilleure solution", selon Hervé Martel. Ce montage "simplifie l’organisation et permet des relations en direct avec les banques et l’exploitant. Nous sommes revenus à ce qu’aurait été un financement public à 100 %".
"Nous sommes au milieu du gué"
Hervé Martel a refusé la polémique quant aux responsabilités de ces retards. Le directeur du GPMH a pris acte de la décision de la Caisse régionale du Crédit agricole Normandie Seine et de Projenor, autre filiale du Crédit Agricole, de se retirer de LH2T, en dénonçant l’autorisation d’occupation temporaire (AOT) sur le domaine public maritime : faute de trafic, LH2T ne percevait aucun loyer de l’exploitant et ne pouvait rembourser ses propres emprunts (20 millions d’euros). Le GPMH les reprendra à son compte. Le terminal qui compte huit voies ferroviaires et deux postes à quai fluviaux sur 60 hectares et devait pouvoir gérer la distribution annuelle de 500.000 EVP a coûté environ 140 millions d’euros dont 120 millions de fonds publics (État, Région, agglomération, port, UE).
Côté exploitant, Le Havre Terminal Exploitation (LHTE) qui regroupe des opérateurs du transport combiné – Greenmodal (CMA CGM), Naviland Cargo (SNCF), Novatrans (Charles André) et Logiseine (CFT) – a déposé le bilan le 23 octobre. Le 15 février, le tribunal de commerce a de nouveau prolongé pour deux mois le redressement judiciaire, avec un report possible encore durant douze mois supplémentaires. Désormais seul à la barre, le GPMH a décidé de reporter, le temps de la procédure judiciaire, l’exigibilité des loyers dus par LHTE, soit environ 1,8 million d’euros par an, pour éviter d’envenimer la crise. "Nous avons un an pour sortir de la période d’observation et rechercher un équilibre de ce terminal", a rappelé Hervé Martel. Le directeur du port estime aussi "rassurant" l’engagement de CMA CGM qui "semble prendre une forme de leadership dans le fonctionnement et l’exploitation", tout comme la SNCF. Hervé Martel refuse de parler de fiasco : "Nous sommes au milieu du gué".
15 % de part modale
Le GPMH veut jouer le rôle de "coordinateur" de l’ensemble des acteurs pour que "tous travaillent ensemble". Il a mis à leur disposition un bureau d’études spécialisé pour analyser l’enchaînement des prestations depuis le terminal maritime jusqu’au chargement des barges et des trains "comme un process global et non pas comme une succession de maillons qui se parlent peu". Restera à revoir la gouvernance globale du système et, "après cette période transitoire, à trouver le modèle économique final qui intégrera l’ensemble des coûts de passage". L’objectif serait de ne pas dépasser les 75 euros par conteneur transporté, pour être compétitif par rapport à son concurrent routier. Autre objectif : une amélioration du report modal pour atteindre 25 % contre 15 % actuellement. Environ 5 % seulement des conteneurs sont acheminés par le mode ferroviaire, 10 % par voie fluviale.
Le secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, Alain Vidalies, l’a rappelé : "L’État met tout en œuvre pour qu’une solution pérenne soit trouvée au fonctionnement de cette plateforme multimodale, qui vise à faire du port du Havre une des grandes portes d’entrée maritime européennes et à développer la multimodalité à l’échelle d’Haropa". Depuis janvier, 500 à 600 boîtes sont traitées chaque semaine par barge fluviale et le premier train est prévu pour le 20 mars…