Les armateurs français face à une nouvelle "vague scélérate"

Quelques heures après avoir signé un accord salarial avec les organisations syndicales des officiers puis poursuivi son travail sur le dumping social dans le Transmanche au secrétariat d'État à la Mer, Armateurs de France de France a donné à Paris le 30 novembre une densité particulière à sa soirée annuelle. D'autant que pour les compagnies, à quelques jours de l'entrée en vigueur d'IMO 2023, le programme devrait rester bien chargé…
Il y avait en effet matière à nourrir un discours d'un président lors de la grande soirée annuelle des Armateurs de France qui a réuni 450 personnes au Pavillon Cambon le 30 novembre. Quelques heures avant l'événement, l’organisation professionnelle a apposé son paraphe sur un avenant aux côtés de celui des officiers des trois syndicats CFE-CGC Marine, CFDT et Fomm CGT actant une revalorisation des minimas salariaux conventionnels de 10 % de leur branche alors que le dialogue social était grippé depuis dix ans.

Dans la même journée, une rencontre au sommet organisée par le secrétariat d'État à la Mer avec l’ensemble des compagnies opérant de part et d’autre du Channel enclenchait le process sur un sujet qui oppose les compagnies françaises de ferries opérant à partir de la France, Brittany Ferries et DFDS, à leurs concurrents britanniques : le dumping social.

Toute annonce faite à l’occasion de la soirée d’Armateurs de France a des chances de tomber dans le creux d’une oreille attentive. L’événement reste très couru par des ministres ou ex-ministres fidèles à la cause du secteur (Dominique Bussereau, qui fut secrétaire d'État chargé des Transports et de la Mer, et l’ex-ministre de la Mer, Annick Girardin, ont été aperçus), des parlementaires (au moins une quinzaine identifiée), les services maritimes de l’État incarnés par leur tête de pont.

"Une montagne d’investissements" en vue

"Notre métier, vieux comme le commerce, qui remonte à la nuit des temps, n’a cessé de vivre avec son époque", a introduit Jean-Emmanuel Sauvée, le président d’Armateurs de France à quelques mois de la fin de la mandature de trois ans, dans un discours inspiré par l’Histoire, valeur sûre qui permet de dédramatiser le cap à passer.

Alors que l’organisation créée par André Lebon (deux fois ministre de la troisième République) fêtera ses 120 ans d’existence le 13 janvier prochain, Armateurs de France est face à une "vague scélérate" selon les termes de son patron : la décarbonation du secteur maritime qu’il va falloir opérer à "coûts raisonnables" alors qu’une nouvelle flotte plus vertueuse nécessitera "une montagne d’investissements" d’autant que les futurs combustibles à souter n’existent pas et que leur disponibilité et leurs coûts questionnent.  
La période est flottante, reconnaît-il. "Les nouvelles réglementations, IMO2023 et particulièrement l’ETS européen [marché carbone sur lequel eurodéputés et États membres de l’UE viennent de s’entendre, NDLR] vont incontestablement faire évoluer nos modèles économiques. En 2030 nous devons avoir drastiquement réduit notre empreinte carbone".

Dans le même temps, la compétition est âpre et pas toujours à armes égales. "Nous sommes contre le dumping qui peut prendre des formes diverses : sécuritaire, environnemental, fiscale et surtout sociales. Nous souhaitons des règles du jeu justes", fait valoir Jean-Emmanuel Sauvée, qui appuie sans réserve la démarche entreprise par le secrétariat d’État à la Mer sur le dumping.
 
Des financements alternatifs réclamés

 
Le financement de la flotte est existentiel, aura-t-il aussi l’occasion de placer alors que les armateurs ont obtenu dernièrement le crédit-bail fiscal, qui facilite le financement de l’achat d’un navire, la garantie des projets stratégiques de la BPI lorsque les projets ont recours au pavillon français – la possibilité de combiner les deux –, et le suramortissement vert. Le secteur a par ailleurs bénéficié d’efforts budgétaires et fiscaux, avec des mesures telles que la taxe au tonnage, l’exonération de charges patronales (le fameux net wage) accordée en 2021 et prolongée pour trois ans, ainsi que l’allégement des charges sociales au titre du régime de protection sociale des marins français (Enim). Des outils opérationnels certes mais pas sanctuarisés, objecte le président d’Armateurs de France. Les demandes des armateurs français sur les financements alternatifs, "indispensables dans le cadre de la politique de souveraineté maritime, indispensable à l’économie nationale", n’ont en effet pas encore été entendues.
 

Agnès Firmin Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé, ne manquera pas de rappeler à ce parterre d’armateurs toute la sensibilité maritime dont ont fait preuve les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017…
Les armateurs ont été entendus sur le dumping social en transmanche, a-t-elle souligné, rappelant les annonces faites par le secrétaire d'État à la Mer Hervé Berville, lors des Assises de l’économie de la mer, sur la création d’une "task force de contrôle" et sur une "loi de police".
Assurant le service après-vente des Assises de l’économie de la mer, elle reprendra à peu près toutes les mesures contenues dans le programme France Mer 2030 qui avaient l’objet d’annonces.

Rendez-vous au CIMer du printemps 2023

Elle a en outre fait la promotion de la démarche désignée sous l’appellation de France Mer 2030, qui doit déboucher, à l’issue d’une consultation, sur la définition d’une stratégie maritime à moyen terme de la France dont certaines lignes doivent être précisées lors du prochain Comité interministériel de la mer (CIMer) au printemps 2023. Avec pour ambition : un navire zéro émission. Pour rappel, à ce propos, l’État met sur la table 300 M EUR, espérant susciter un effet de levier du privé. CMA CGM y a déjà répondu en décidant un apport de 200 M EUR.
"Ces lignes de crédit privés seront gérées en complémentarité avec l’Institut de décarbonation", annonce Agnès Firmin Bodo.  
La transition écologique des ports devrait également faire l’objet d’annonce lors du prochain CIMer, notamment sur l’éolien en mer.

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